Habib Maalouf et Samar Malek sur la tribune, décortiquant les effets de l’accord mondial sur le changement climatique et les moyens de l’adapter aux politiques locales. Photo Imad Mahfouz |
Après l'adoption de l'accord de Paris en 2015, qui a rassemblé plus de 190 pays dans un processus de lutte contre le changement climatique, et suite au sommet climatique de l'Onu de Marrakech qui vient de se tenir dans cette ville du Maroc en novembre, une rencontre-bilan a été organisée hier au ministère de l'Environnement par le Comité de l'environnement et du développement (ONG) en collaboration avec la Fondation Heinrich Böll. Des représentants des ministères de l'Industrie, des Transports, de l'Énergie et de l'Agriculture étaient présents, en plus du ministère de l'Environnement bien sûr, et de militants de la société civile, en vue de faire le point sur les politiques qui favorisent la lutte contre ce fléau.
Donnant le ton de la rencontre, le journaliste Habib Maalouf, président du Comité de l'environnement et du développement, s'est dit peu convaincu par l'efficacité à long terme d'un accord signé par tant de pays aux intérêts différents, ce en quoi il a été contredit par Samar Malek, représentant le ministère de l'Environnement, qui y voit un processus constructif malgré les défis, dont le moindre n'a pas été l'élection d'un climatosceptique à la tête des États-Unis. M. Maalouf a souligné toutefois que les aléas des négociations climatiques mondiales ne devaient pas exempter les pays de l'obligation d'adapter leurs politiques au changement qui vient, des mesures qui ne peuvent que bénéficier à la lutte contre la pollution et la dégradation environnementale à un niveau national.
L'environnementaliste a rappelé que les principaux secteurs qui dégagent des gaz à effet de serre au Liban sont, comme on peut s'y attendre, le transport, suivi de près par l'énergie (notamment en raison de la prolifération des générateurs privés polluants), puis les déchets (source majeure de méthane), l'industrie, l'agriculture et d'autres secteurs. Dans tous les domaines, il a prôné des politiques durables et cohérentes, fustigeant au passage certaines contradictions comme la volonté affichée du ministère de l'Énergie à favoriser les énergies renouvelables d'une part, et la perspective du forage pétrolier de l'autre... Il a souligné aussi certaines lacunes dans les politiques officielles comme, à titre d'exemple, l'absence d'une véritable stratégie de gestion durable des forêts, ou encore des choix qui ne conviennent pas à la nature du pays, selon lui, comme les grands barrages.
Samar Malek a, pour sa part, mis en avant le rôle du ministère de l'Environnement qui, selon elle, effectue des estimations globales des stratégies mises en place par les autres ministères et entame le dialogue avec tous les secteurs ayant un impact sur la pollution, notamment les transports (pour les transports en commun), l'énergie ou encore l'industrie.
« Nous avons besoin d'un ministère du Plan », a plaidé Abdel Hafiz Kaïssi, directeur général du ministère des Transports. Celui-ci a déploré les projets qui ne se concrétisent pas, notamment dans le domaine des transports en commun qui, seuls, peuvent réduire le trafic et, par conséquent, les émanations qui en résultent. Il a parlé du projet de loi 341 pour la lutte contre la pollution de l'air qui dort toujours dans les tiroirs du Parlement depuis le début des années 2000. Il a vanté les mérites du plan de transports terrestres, dont une partie porte sur les transports en commun, préparé par son ministère, estimant qu'il peut être appliqué facilement et désengorgerait considérablement le Grand-Beyrouth, notamment. Selon lui, en effet, 75 % des Libanais utiliseraient en priorité leur voiture individuelle, et deux voitures sur trois ne transportent régulièrement qu'une seule personne. Le directeur général a également évoqué les efforts pour ressusciter la voie ferrée, en priorité sur le littoral, insistant sur un autre projet qui consiste à installer des stations de mesure de la pollution de l'air sur tout le territoire... qui n'a lui aussi pas abouti.
Pierre Khoury, du Centre libanais pour la conservation de l'énergie (LCEC) du ministère de l'Énergie a, pour sa part, soulevé la question des efforts pour atteindre l'objectif que s'est fixé le Liban au cours du sommet pour le climat de Copenhague en 2009, c'est-à-dire 12 % d'énergie provenant de sources renouvelables d'ici à 2020. Car si le Liban en est déjà, selon lui, à 5,6 % d'énergie renouvelable, beaucoup reste à faire. Le plus grand progrès réalisé ces dernières années est dans le solaire, qui totalise jusque-là plus de 500 000 mètres carrés de plaques au Liban, avec un objectif affiché d'un million, a-t-il dit. L'électricité photovoltaïque (provenant du solaire) produit déjà 30 mégawatts au Liban, et l'objectif à court terme est de 50. Toutefois, c'est l'éolien qu'il faut surveiller de près, puisque les appels d'offres ont été finalisés et trois compagnies choisies pour produire près de 200 mégawatts dans le Akkar. M. Khoury précise que les pourparlers portent désormais sur les détails.
Restent l'électricité hydraulique et celle qui pourrait être produite par la combustion des déchets, si jamais l'État adopte une telle solution. « Nous n'influençons pas les décisions officielles, mais si tant est que le gouvernement opte pour la construction de barrages ou l'adoption de la combustion des déchets, nous inclurons la production d'électricité qui en résultera dans nos calculs, sinon nous rechercherons d'autres sources pour atteindre les 12 % », a-t-il conclu.
(06-12-2016 - L'Orient le Jour)
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