L'ancien président irakien Saddam Hussein lors de son procès à Bagdad le 28 novembre 2006 (Afp)
Dix ans après l'exécution de Saddam Hussein, le fantôme du dirigeant
irakien continue de hanter l'Amérique, symbole de son ambition fracassée
d'apporter la stabilité et la démocratie au Moyen-Orient.
Lorsque le leader irakien est pendu à Bagdad le 30 décembre 2007, le
président américain George W. Bush et l'opinion américaine savent déjà
que l'invasion de l'Irak, qui a déjà tué près de 3000 soldats
américains, n'a pas apporté les fruits espérés.
L'exécution "ne mettra pas fin à la violence en Irak", reconnaît le
président américain, qui prévient que "des choix difficiles et des
sacrifices restent à faire" pour renforcer "la jeune démocratie
irakienne".
Mais dix ans plus tard, le compte n'y est toujours pas pour les Etats-Unis.
La "jeune démocratie irakienne" rêvée par l'administration américaine
n'a pas réussi à éliminer les violences inter-confessionnelles.
La colère de la minorité sunnite face au gouvernement à majorité chiite a
favorisé l'émergence du groupe ultra-radical Etat islamique, dont une
partie des cadres sont des anciens de l'armée de Saddam Hussein.
Plus de 5.000 soldats américains sont toujours sur place, soutien
indispensable pour une armée irakienne encore incapable d'assumer seule
la guerre contre les jihadistes.
Dans la société américaine, qui avait soutenu massivement l'intervention, les plaies restent vives.
Le souvenir du chaos irakien a pesé lourd dans la décision du président
Barack Obama de ne pas intervenir militairement contre le dictateur
syrien Bashar al-Assad.
Dans sa campagne électorale victorieuse, le président élu Donald Trump a
promis de ne plus jamais engager les Etats-Unis dans des opérations de
"changement de régime" ou d'"édification d'une nation".
Et certain de marquer des points dans l'opinion, il n'a pas pas manqué
d'affirmer qu'à la différence de sa rivale Hillary Clinton, il n'avait
pas soutenu la guerre en 2003 - malgré une déclaration publique de
l'époque disant le contraire.
Dans les élites américaines, l'introspection continue pour tenter de comprendre les raisons de l'échec.
John Nixon, le premier analyste de la CIA à avoir interrogé Saddam
Hussein après sa capture en décembre 2003, publie jeudi un livre
témoignage "L'interrogatoire de Saddam Hussein", où il affirme que la
CIA, et l'administration américaine sont restées prisonnières d'une
vision fausse du dictateur irakien.
Loin d'être un chef tout-puissant, Saddam Hussein était pendant ses
dernières années au pouvoir "complètement dépassé" sur ce qui se passait
dans son pays, estime ainsi John Nixon.
"Il était inattentif à ce que son gouvernement faisait, n'avait pas de
plan réel pour la défense de l'Irak, et ne saisissait pas l'importance
de la tempête" qui arrivait et allait le renverser, affirme aujourd'hui
l'analyste.
"Saddam Hussein était occupé à écrire des romans en 2003. Il ne
s'occupait plus de faire tourner le gouvernement", affirme l'analyste.
Mais l'administration américaine et la CIA croyaient dur comme fer que
"décapiter le régime baasiste ferait de l'Irak un pays pacifique",
souligne-t-il aujourd'hui.
Et George W. Bush n'acceptera jamais de revenir sur son analyse,
explique John Nixon, qui raconte une confrontation éclairante en 2007
avec lui dans le Bureau ovale.
John Nixon tente d'expliquer à George W Bush qu'il a interrogé un Saddam
Hussein plutôt désarmant et maniant l'auto-ironie, mais le président
américain donne des signes d'impatience, et ne se calme que lorsque
l'analyste évoque une personnalité "arrogante" ou "sadique"
Le président "n'écoutait que ce qu'il voulait entendre", estime John Nixon.
Pour lui, en tout cas, l'Amérique, contrairement à ce qu'elle croyait, n'avait pas intérêt à éliminer le dictateur irakien.
"Même si j'ai constaté que Saddam Hussein était un être souverainement
déplaisant, j'ai tiré des interrogatoires un respect involontaire pour
la manière dont il a réussi à maintenir si longtemps l'unité de la
nation irakienne", estime aujourd'hui John Nixon.
"Il est improbable qu'un groupe comme l'EI aurait pu réussir aussi bien sous son régime répressif", ajoute-t-il.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire