Une quarantaine de familles vivent à Amona, colonie sauvage située près de Ramallah en Cisjordanie. (Afp)
À quelques kilomètres à l'est de Ramallah, en Cisjordanie, il est une colline sur laquelle sont plantés une quarantaine de mobil-homes. C'est Amona, une colonie sauvage regroupant plusieurs centaines de personnes et qui n'apparaissent sur aucune carte. En l'absence de transports en commun, on ne peut y accéder qu'en voiture ou à pied, à partir de la colonie d'Ofra située en contrebas, à environ trois kilomètres. Él y a presque 20 ans, Amona est un de ces 97 avant-postes construits sans autorisation du gouvernement israélien, mais tolérés par les autorités. La colonie est reliée au réseau électrique et dispose de l'eau courante. Mais d'ici un mois, l'histoire de ce lieu pourrait s'écrire autrement.
Tout commence en 2006, avec le premier arrêt de la Cour suprême israélienne statuant de l'illégalité, d'après le droit, de cette implantation. La même année, la police et l'armée exécutent un ordre de la Haute Cour visant à démolir une poignée de maisons construites en dur et sans permis. Des affrontements violents éclatent entre les forces de l'ordre, les colons et leurs soutiens venus en masse. Bilan : 200 blessés dont certains sont sérieusement atteints. S'ensuit une bataille judiciaire qui connaîtra un premier tournant en 2014, lorsque après une enquête de la police, il s'avère qu'Amona est tout entière située sur des terres privées palestiniennes, les documents produits par les colons et justifiant l'achat des terrains étant des faux. Nous sommes en mai. Sept mois plus tard, en décembre 2014, la Cour suprême ordonnait une première fois à l'État de faire évacuer et de détruire l'implantation, le tout dans les deux ans. Un ordre réaffirmé, le 14 novembre dernier, avec une date-butoir : le 25 décembre 2016. Le gouvernement qui avait fait appel pour un nouveau report de l'évacuation d'Amona a donc été débouté.
Aujourd'hui, chez les habitants comme dans la droite nationaliste et religieuse, c'est le branle-bas de combat. Les premiers affirment qu'ils ne vont pas se laisser faire. Et lancent un appel à Benjamin Netanyahu : « Les vies de 40 familles et 200 enfants sont entre vos mains. » Ils ont averti qu'à toute tentative d'évacuation, ils opposeront un mur humain, avec leurs soutiens dans la population israélienne. Pendant ce temps, des personnalités politiques sous la houlette du Foyer juif, le parti pro-colons dirigé par le ministre de l'Éducation Naftali Bennett, tentent d'agir sur le front parlementaire en poussant ce qu'ils appellent le projet de loi de « régulation ». Son objectif est de légaliser de façon rétroactive l'ensemble des avant-postes et en partie certaines colonies – 2 500 bâtiments seraient dans ce cas – en commençant par Amona, qui, ainsi, pourrait échapper à la démolition. Problème, le conseiller juridique du gouvernement, Avichaï Mandelblit, est contre. À ses yeux, il s'agit d'une loi indéfendable aussi bien au regard droit international que devant la Haute Cour israélienne. « Nous ne pouvons accepter des solutions hors du cadre légal et nous ne pouvons accepter une législation qui contredit les décisions de la Haute Cour. » Autant dire qu'il a vu d'un très mauvais œil l'approbation du texte par la commission des lois. Puis celle de la Knesset, le parlement, en lecture préliminaire.
Reste que pour contrer cette loi qu'il qualifie « de coup fatal à l'État de droit », tout en permettant une évacuation sans opposition d'Amona, Mandelblit a eu une autre idée : celle de transférer l'avant-poste sur des terrains situés à proximité en s'appuyant sur une vieille législation ottomane, la loi dite des « absents ». Pour les autorités militaires, cela concerne des propriétaires palestiniens ayant quitté la région et dont les terres n'ont pas été cultivées pendant au moins trois ans. Selon l'interprétation israélienne des conventions de Genève, ces terrains peuvent être théoriquement réquisitionnés. Reste à savoir si les colons d'Amona accepteront cette solution. Lorsqu'on leur a proposé de déménager près de la colonie de Shiloh, dans le centre de la Cisjordanie, ils ont refusé.
(29-11-2016 - Danièle Kriegel)
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