L’endroit s’appelle "Relais des mûres", mais ce nom bucolique cache une
autre réalité pour ses habitants : c’est la ligne de front entre
rebelles et soldats loyalistes à Bashar al-Assad, dans l’est de Damas.
Dans les deux ruelles bordées de maisons modestes à un étage, des
enfants jouent, crient, rient, mais leur voix est parfois recouverte par
le bruit du canon ou interrompue par le claquement sec d’un tireur
embusqué.
"Ils (les rebelles) nous ont menacés pour nous inciter à fuir mais nous
sommes restés malgré les bombardements", raconte Oum Imad al-Masri, une
quadragénaire vêtue d’un manteau noir et coiffée d’un foulard turquoise.
"Malgré la mort de nos voisins Karim, Marc et Abou Mohammad, tués chez
eux par des obus, nous ne sommes pas partis. D’ailleurs où irions
nous ?", soupire-t-elle.
Cet îlot est situé dans l’ouest de Jobar, une zone tenue par l’armée
alors que le reste du quartier est aux mains des rebelles. Pour le
régime, c’est un verrou stratégique qui ouvre sur la place des
Abbassides : si les rebelles la franchissent, ils peuvent atteindre le
coeur de Damas.
"Quand les bombardements commencent, nous demandons aux enfants de
rentrer et dès que cela se calme, ils retournent dans la rue. On ne peut
pas les laisser enfermés. Nous resterons tant que l’armée sera là",
ajoute Oum Imad al-Masri.
Personne ne s’aventure à l’est de ces deux rues, un no man’s land, sauf
Wafic Kamchi et un couple de chrétiens, qui y habitent chacun dans une
maisonnette.
"Je vis entre l’armée régulière et l’Armée syrienne libre" (ASL, rebelles), explique Wafic, cheveux noirs, la cinquantaine.
Chaque jour, il prend sa bicyclette noire pour aller au travail, près de
la place des Abbassides. Utiliser sa voiture serait suicidaire, car
elle serait une cible idéale pour les tireurs embusqués. D’ailleurs, un
véhicule criblé de balles est abandonné sur un terrain vague.
Ce chauffeur de taxi a été blessé il y a sept mois par un franc-tireur
alors qu’il était assis devant chez lui. "Je ne sais pas d’où la balle a
été tirée mais elle m’est rentrée dans le dos et est sortie par mon
estomac. Après avoir été hospitalisé, je suis rentré chez moi",
confie-t-il.
"En trois ans, je me suis habitué à la guerre et même les bombardements ne m’empêchent plus de dormir", raconte-t-il encore.
Mais ce n’est pas le cas des enfants. "Quand ça bombarde, tous les
jours, ils ont vraiment peur. Dès que cela se calme, ils donnent
l’impression d’oublier et retrouvent le sourire", dit Fariza Lahham, une
élégante assistante dentaire de 25 ans.
A l’entrée des deux ruelles, un tank. A Jobar, quartier construit dans
les années 60, les magasins sont éventrés, les immeubles désertés, les
chaussées perforées. Rebelles et soldats se battent dans des tunnels
souterrains.
"Avant, nous faisions nos courses vers Jobar al-Balad (côté rebelle),
car il y avait de nombreux magasins", se souvient Bassam Zarqui, 70 ans,
vêtu d’une galabiya (robe traditionnelle masculine) beige.
"Mais nous avons dû changer de côté et aller vers les Abbassides",
explique-t-il assis devant sa porte, sa petite-fille dans les bras.
Dans la guerre, le danger devient relatif. Oum Mohamad a quitté Ain
Terma, dans la banlieue est de la capitale, car cette localité aux mains
des rebelles était bombardée sans répit par l’armée.
"J’habite chez mon cousin. Il a quitté sa maison avec sa famille quand
elle a reçu un obus de mortier, mais moi je me suis réfugiée ici car je
trouve que c’est moins dangereux que l’endroit d’où je viens", explique
cette femme tout de noir vêtue installée avec sa fille et son fils.
Les soldats sont déployés à proximité. "Nous sommes ici pour protéger
les civils et les enfants dans la région des Abbassides. C’est une
position stratégique pour assurer la sécurité de toute la Syrie", assure
un officier.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire