Le régime syrien organise ce mardi une présidentielle gagnée d’avance
pour Bachar el-Assad et dénoncée par ses adversaires comme une "farce",
qui va selon des experts prolonger la guerre ravageant le pays depuis
trois ans. Les bureaux de vote ont ouvert à 7 heures, heure locale (4
heures GMT), uniquement dans les zones contrôlées par le régime, pour un
scrutin boycotté par l’opposition. Des files d’attente se formaient
devant les bureaux de vote à Damas où les rues sont placardées
d’affiches à la gloire de Bachar el-Assad, au pouvoir depuis 2000.
Le chef de l’État syrien Bachar el-Assad a voté avec son épouse Asma
dans le centre de Damas pour le scrutin présidentiel controversé qu’il
est assuré de remporter, a rapporté la télévision d’État. "Le président
Assad a voté dans le bureau de vote du quartier (résidentiel) de Malki"
dans le centre de la capitale, a indiqué la télévision. La chaîne ainsi
que la page Facebook de la campagne présidentielle de Bachar el-Assad
ont montré des photos du couple présidentiel sortant de l’isoloir et
s’apprêtant à déposer leurs bulletins dans les urnes, entourés notamment
de sympathisantes. Bachar el-Assad, en costume bleu marine, y apparaît
souriant au côté de son épouse, portant une jupe noire, une veste
blanche cintrée et des talons aiguilles. Les deux autres candidats
inconnus qui lui servent de faire-valoir, Maher al-Hajjar et Hassan
al-Nouri, ont voté plus tôt dans la matinée à l’hôtel Sheraton à Damas.
"J’ai voté pour le président, naturellement", affirme Nadia Hazim, 40
ans, au bureau de vote du lycée Bassel el-Assad rue de Bagdad, au
centre-ville, en exprimant l’espoir que Bachar el-Assad "va gagner" la
guerre face aux rebelles. Dans la salle, où se trouvent une urne
transparente et un isoloir au rideau blanc, des photos de Bachar
el-Assad et des deux autres candidats qui lui servent de faire-valoir,
Hassan al-Nouri et Maher al-Hajjar, sont collées aux murs. Certains
électeurs vont derrière l’isoloir, d’autres pas, choisissant de mettre
leur bulletin directement dans l’urne.
Les votants sont fouillés, les forces du régime craignant des
attaques rebelles. La presse officielle a évoqué un plan de sécurité
"pour protéger" les bureaux de vote, indiquant que l’armée et les forces
de sécurité étaient "en état d’alerte maximale".
Le chef de l’opposition en exil, Ahmad Jarba, a appelé les Syriens à
"rester chez eux", rebelles et militants dénonçant une "élection du
sang" et les États-Unis une "imposture", alors que le conflit a fait,
selon une ONG, plus de 162 000 morts. Profondément divisés, les insurgés
et l’opposition, de même que leurs alliés arabes et occidentaux,
assistent incrédules au maintien au pouvoir de Bachar el-Assad, dont les
troupes ont mené des avancées sur le terrain. Le régime contrôle 40 %
du territoire où vit 60 % de la population, selon le géographe
spécialiste de la Syrie Fabrice Balanche.
Le scrutin a lieu dans un pays à feu et à sang. Quelque 2 000 civils
ont été tués par des raids aux barils d’explosifs depuis janvier sur les
bastions rebelles à Alep (nord) alors que de violents combats se
poursuivent dans le centre, près de Damas ou dans le sud du pays. À la
tête d’une armée restée soudée autour du régime malgré de nombreuses
défections, Bachar el-Assad est également fort des soutiens russe et
iranien, ses principaux alliés, et de l’aide précieuse des combattants
aguerris du Hezbollah libanais et de supplétifs syriens et étrangers.
En théorie, il s’agit de la première élection en Syrie depuis un
demi-siècle, Bachar el-Assad et avant lui son père Hafez ayant été
désignés par référendum. Mais elle est organisée en vertu d’une loi
excluant de facto toute candidature dissidente.
Plus de 15 millions de Syriens sont appelés aux urnes et le vote, qui
devra s’achever à 19 heures locales (16 heures GMT), peut être prolongé
de cinq heures à la demande de la commission électorale. Des
observateurs iraniens, russes et même nord-coréens supervisent le
scrutin. L’homme d’affaires Hassan al-Nouri affirme, sans illusions,
s’attendre à "arriver en seconde position après M. Assad qui est sûr de
gagner". Le clan Assad dirige la Syrie d’une main de fer depuis plus de
40 ans, durant lesquels il a muselé toute dissidence et écrasé déjà dans
le sang un soulèvement des Frères musulmans dans les années 1980.
Pour Noah Bonsey, de l’International Crisis Group (ICG), la
présidentielle "ne changera pas la donne" en Syrie, si ce n’est de faire
perdurer un conflit qui a laissé un pays en ruines et déraciné quelques
neuf millions de personnes. "Cette mise en scène n’influera guère sur
les positions" du régime ou de l’opposition : "Le régime utilise
l’élection comme partie intégrante de son discours sur l’irrévocabilité
de sa victoire."
Mais pour Waddah Abed Rabbo, directeur d’El Watan, quotidien proche
du pouvoir, "l’élection facilitera la reprise des pourparlers de paix",
qui ont échoué à Genève en début d’année en l’absence de consensus
international. "À Genève, l’opposition a mis comme préalable son refus
de voir Assad se présenter à la présidentielle. Maintenant qu’il va être
largement élu, il n’y a plus d’objection de la part du pouvoir à
discuter de gouvernement transitoire", dit-il. Le conflit, déclenché en
mars 2011 par la répression par le régime d’une contestation pacifique, a
ruiné l’économie et jeté dans l’extrême pauvreté la moitié de la
population.
(03-06-2014 - Assawra avec les agences de presse)
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