L’ex-chef de l’armée Abdel Fattah al-Sissi, élu président de l’Égypte
après avoir éliminé toute opposition, a prêté serment dimanche au cours
d’une cérémonie qui n’a fait qu’entériner son pouvoir de fait sur le
pays depuis près d’un an. Élu avec 96,9 % des voix, le maréchal à la
retraite a "juré au nom de Dieu tout-puissant de préserver le système
démocratique et de respecter la Constitution" de l’Égypte devant les
juges de la Cour Constitutionnelle suprême et le président par intérim
sortant, Adly Mansour.
Abdel Fattah al-Sissi, alors chef de la toute puissante armée, avait
nommé lui-même Adly Mansour le 3 juillet 2013, le jour où il avait
destitué et fait emprisonner le président islamiste Mohamed Morsi,
premier chef de l’État élu démocratiquement en Egypte mais vite devenu
impopulaire.
Puis le gouvernement intérimaire dirigé de fait par Abdel Fattah
al-Sissi a mené une implacable et sanglante répression contre les
partisans de Mohamed Morsi, notamment sa confrérie islamiste des Frères
musulmans, avant de s’en prendre aux mouvements d’opposition libéraux et
laïques, dont les manifestations ont été interdites et les leaders
arrêtés et jugés. Les Frères musulmans avaient remporté toutes les
élections depuis la chute de Hosni Moubarak après une révolte populaire
début 2011, mais le nouveau pouvoir les a interdits et décrétés
"organisation terroriste" en décembre dernier.
Abdel Fattah al-Sissi, qui jouit d’un véritable culte de la
personnalité, a ensuite remporté la présidentielle des 26, 27 et 28 mai
avec 96,9 % des suffrages exprimés, face à un unique et pâle rival, le
leader de gauche Hamdeen Sabbahi. La participation avait été de 47,5 %.
La Cour constitutionnelle suprême avait été dès samedi soir encerclée
par un imposant dispositif de sécurité, dans un pays en proie, depuis
la chute de Mohamed Morsi, à une vague d’attentats qui ont tué, selon le
gouvernement, plus de 500 policiers et soldats, et revendiqués par des
groupes disant s’inspirer d’al-Qaida.
La prestation de serment devait être suivie de deux cérémonies dans
des palais présidentiels. Hormis quelques souverains du Golfe, le roi
Abdallah II de Jordanie et le président palestinien, Mahmud Abbas,
ainsi que quatre chefs d’État africains, peu de personnalités sont
attendues.
Les Occidentaux, États-Unis en tête, qui avaient hésité, avant d’y
renoncer, à qualifier la destitution de Mohamed Morsi de "coup d’État"
mais dénoncé la répression, ont fini par entériner la prise du pouvoir
par Abdel Fattah al-Sissi. Et à se ranger à la nécessité de maintenir
des relations fortes avec le plus peuplé des pays arabes, stratégique
dans le processus de paix israélo-palestinien et allié-clé dans la lutte
contre le "terrorisme" islamiste.
Certes, pour justifier son coup de force, Abdel Fattah al-Sissi a
invoqué les millions d’Égyptiens qui avaient manifesté pour réclamer le
départ de Mohamed Morsi, accusé d’avoir voulu accaparer tous les
pouvoirs au profit des Frères musulmans et d’islamiser à marche forcée
la société.
Mais depuis le 3 juillet, plus de 1 400 manifestants pro-Morsi ont
été tués, plus de 15 000 Frères musulmans emprisonnés, dont la
quasi-totalité de leurs leaders qui encourent la peine capitale, et des
centaines ont été condamnés à mort en quelques minutes dans des procès
de masse qualifiés par l’ONU de "sans précédent dans l’Histoire récente"
de l’Humanité. Des ONG internationales ont déjà dénoncé le retour à un
régime "plus autoritaire que celui de Moubarak".
Aussi, Washington et les capitales de l’Union européenne ont félicité
le nouvel élu mais insisté sur la nécessité de respecter au plus vite
les droits de l’Homme. Les États-Unis ne sont représentés dimanche que
par un conseiller du secrétaire d’État John Kerry et les capitales de
l’Union européenne par leurs ambassadeurs.
En revanche, à l’exception du Qatar, les monarchies du Golfe qui ont
toujours exprimé un soutien sans faille - surtout financier - à Abdel
Fattah al-Sissi, pourfendeur des Frères musulmans qu’ils redoutent sur
leurs territoires, seront représentées au plus haut niveau. L’Arabie
saoudite par le prince héritier Salmane ben Abdel Aziz, le Koweït par
l’émir, cheikh Sabah al-Ahmad al-Sabah, et Bahreïn par le roi Hamad ben
Issa al-Khalifa. Les présidents de l’Érythrée Issaias Afeworki, de la
Guinée équatoriale Teodoro Obiang Nguema, du Tchad Idriss Deby et de la
Somalie Hassan Cheikh Mohamoud, sont également annoncés.
(08-06-2014)
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