Le Parlement tunisien a comme attendu retiré samedi soir sa confiance au
gouvernement de Habib Essid, sous pression depuis que le président Béji
Caïd Essebsi s'est dit en faveur d'un cabinet d'union nationale il y a
deux mois.
Le départ de M. Essid, un indépendant de 67 ans dont le passage au
gouvernement a été mouvementé, fait craindre une nouvelle période
d'incertitudes en Tunisie, un pays fragilisé.
Le gouvernement est désormais considéré comme démissionnaire et le
président doit engager des consultations dans un délai de 10 jours pour
charger la "personnalité la plus apte" de former un nouveau cabinet.
Les conjectures vont bon train sur le fait de savoir qui sera le
successeur de M. Essid, mais aucun nom ne se détache pour l'instant.
Sur les 217 députés (dont 191 étaient présents samedi soir), 118 ont
voté contre le renouvellement de la confiance et trois pour, avec 27
abstentions.
Plusieurs élus dont ceux du Front populaire, une coalition d'opposition
de gauche, ont annoncé juste avant le vote qu'ils n'y participeraient
pas, dénonçant un processus "de pure forme".
Plusieurs partis, dont les quatre au pouvoir (Nidaa Tounès, Ennahda,
Afek Tounès et l'UPL), avaient en effet annoncé en amont leur intention
de voter la défiance.
M. Essid a lui-même dit être "tout à fait conscient que le vote sera(it)
contre lui", expliquant avoir demandé la tenue de la séance pour
"exposer les choses au peuple et aux députés".
Cette plénière est le point d'orgue d'un feuilleton qui a commencé le 2
juin, lorsque le chef de l'Etat s'est prononcé pour un gouvernement
d'union. Formé il y a un an et demi et remanié en janvier, l'actuel
cabinet est accusé d'inefficacité à un moment où la Tunisie traverse une
période sensible.
Car si ce pays a réussi sa transition politique après la révolution de
2011, son économie est en crise et il a été visé par plusieurs attaques
jihadistes sanglantes.
M. Essid, qui n'avait pas été informé de l'initiative par le chef de
l'Etat, avait d'abord dit être prêt à démissionner si l'intérêt de la
Tunisie l'exigeait. Il a ensuite annoncé qu'il ne partirait que si le
Parlement lui retirait sa confiance.
Samedi, si plusieurs députés ont salué l'"intégrité" de M. Essid, ils ont aussi critiqué son bilan.
Un élu de Nidaa Tounès, Abdelaziz Kotti, a ainsi évoqué "une grande
crise économique (...) et un gouvernement incapable de trouver des
solutions et de donner de l'espoir aux Tunisiens".
"Le temps est venu d'un changement (...). Le rendement (du gouvernement)
est encore trop faible", a renchéri l'ex-Premier ministre Ali Larayedh,
d'Ennahda.
"Le gouvernement a fait son devoir dans plusieurs domaines (...) mais il
y a des domaines dans lesquels on ne peut arriver à des résultats
concrets (...) en un an et demi", a répondu M. Essid.
A l'ouverture de la plénière samedi matin, il avait tancé les partis
politiques, les accusant de "faire mine d'oublier" les progrès réalisés
selon lui contre le terrorisme et la cherté de la vie, ainsi que
l'élaboration d'un plan quinquennal.
M. Essid a aussi redit sa "surprise" quant à l'initiative du président,
qui a provoqué l'incertitude et paralysé le travail du gouvernement
selon lui.
Applaudi à plusieurs reprises pendant son discours, il a de nouveau
évoqué des pressions pour le pousser à démissionner et dénoncé une
manoeuvre pour se débarrasser de lui.
Ses proches ont attribué, sous le couvert de l'anonymat, ces pressions
au camp du fils du chef de l'Etat, Hafedh Caïd Essebsi, un dirigeant de
Nidaa Tounès. Ce parti fondé par le président a remporté les
législatives de 2014 avant d'imploser et de perdre la première place au
Parlement au profit des islamistes d'Ennahda.
Samedi, plusieurs journaux se sont montrés préoccupés par la suite.
"Il serait naïf de penser que le sauvetage du pays est tributaire d'un
gouvernement d'union nationale", a ainsi jugé Le Quotidien. "C'est dire
que l'après-Essid ne s'annonce guère (être) une promenade de santé".
Tout en évoquant les graves difficultés économiques et sociales de la
Tunisie ainsi que "la menace terroriste toujours présente", M. Essid
s'est voulu rassurant.
"Nous avons de grands problèmes mais nous avons (...) les hommes et les
femmes qui ont les compétences pour (y) faire face", a-t-il assuré.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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