A Rmeiche, village du sud du Liban, la police interpelle dans la rue
Abou Adnane et sa femme qui emmènent leur bébé chez le médecin. Leur
tort? Etre Syriens.
Invoquant des raisons de sécurité après de récents attentats suicide
près de la frontière syrienne, plusieurs municipalités libanaises ont
imposé des mesures arbitraires à l'encontre des réfugiés syriens:
interdiction de circuler le soir, arrestations dans la rue ou encore
obligation de nettoyer les espaces publics.
Le Liban accueille plus d'un million de réfugiés syriens ayant fui la
guerre dans leur pays -soit environ un quart de sa population-. Beaucoup
d'entre eux vivent dans des campements de fortune.
Le petit pays a été salué pour sa générosité par plusieurs organisations
internationales mais cette image est ternie par des abus qui refont
surface après des attentats revendiqués par des jihadistes venus de
Syrie.
"Mon bébé de 15 jours est tombé malade. Nous nous sommes précipités avec
ma femme chez le médecin mais la police municipale nous ont soumis à un
interrogatoire dans la rue", raconte à l'AFP Abou Adnane, un nom
d'emprunt, à l'AFP.
Les policiers "nous ont suivis et attendus hors de la clinique puis se
sont assurés que nous étions bien rentrés chez nous", poursuit-il.
Une autre fois, "des jeunes, ivres, se sont introduits dans une
habitation pour réfugiés syriens, les frappant et les insultant", se
souvient-il. Au lieu de défendre les Syriens, "la municipalité a expulsé
des dizaines d'entre eux".
La semaine dernière, des photos partagées sur les réseaux sociaux ont
montré des policiers d'Amchit, au nord de Beyrouth, retenant des
réfugiés après des descentes nocturnes dans leurs lieux de résidence.
Les réseaux sociaux se sont enflammés, avec un appel à manifester lundi
soir à Beyrouth, "contre l'utilisation de la peur pour cultiver le
racisme contre les réfugiés syriens dans les médias et les discours
politiques".
La municipalité d'Amchit a réfuté ces accusations et affirmé que "la
campagne des policiers municipaux répond à une série de mesures prise
par les forces de sécurité (...) pour prévenir toute action de groupes
terroristes".
Ces mesures semblent s'être renforcées après les attentats suicide ayant
secoué fin juin le village de Qaa près de la frontière syrienne. Deux
Syriens, mais n'ayant pas le statut de réfugiés, ont été inculpés.
A Rmeiche, la municipalité assume également sa fermeté en appelant "les
citoyens" à rapporter "toute activité suspecte" parce que,
soutient-elle, "la réglementation de la présence syrienne fait partie de
(ses) priorités".
"Il y avait à Rmeiche plus de 1.000 Syriens, une présence qui dépasse
notre capacité d'accueil de 6.000 habitants", explique en outre à l'AFP
le président municipal Maroun Chebli.
Il a donc pris la décision de permettre uniquement aux Syriens ayant un
"garant" parmi les habitants de Rmeiche de rester. Aujourd'hui, il ne
reste plus qu'"environ 500 réfugiés".
Cette situation inquiète les organisations de défense des droits de l'Homme.
Khairunissa Dhala, spécialiste des réfugiés à Amnesty International, se
dit "préoccupée par les informations faisant part de harcèlements et
d'abus physiques à l'encontre des réfugiés syriens, y compris des
arrestations arbitraires et des expulsions forcées".
Pour Matthew Saltmarsh, reponsable de la communication au Haut
commissariat aux réfugiés (HCR) au Liban, "il est important de se
souvenir que les réfugiés syriens au Liban sont à la recherche d'un abri
contre la violence dans leur propre pays".
Dans le village de Kherbet Selm, dans le sud du Liban, une réfugiée, Oum
Louaï, raconte comment "les forces de l'ordre ont effectué une descente
dans les maisons de Syriens à 22H30, ont lu les conversations sur les
téléphones portables et arrêté tous ceux qui n'avaient pas de papiers en
règle".
Les témoignages sur des pratiques similaires abondent.
Dans un article publié le 14 juillet, le quotidien As-Safir affirme que
la municipalité de Tartaj au nord de Beyrouth "a obligé les réfugiés à
travailler gratuitement pendant un jour pour nettoyer les rues de la
localité".
Dans la ville de Jounié, également au nord de Beyrouth, Sara Kamel, une
employée libanaise témoigne avoir vu un Syrien se faire battre par des
policiers dans la rue. Il passait en moto et ne s'était pas arrêté à
leur injonction.
"Il n'avait pas ses papiers ou il avait peur, mais rien ne justifie qu'il se fasse battre ainsi", déplore la jeune femme.
(Photo : Des réfugiés syriens dans le camp informel de Dalhamiyeh, près de la ville de Zahle, dans le sud du Liban le 17 avril 2016 (Afp) )
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