La justice de Bahreïn a prononcé dimanche la dissolution du principal
mouvement de l'opposition chiite, confirmant la ligne dure adoptée par
le régime malgré les critiques de son allié américain et des défenseurs
des droits de l'Homme.
La dissolution de Al-Wefaq (L'entente) intervient un mois après la
suspension, le 14 juin, de ses activités par un tribunal bahreïni, qui
avait ordonné la fermeture de ses locaux et le gel de ses fonds.
Mais le ministère de la Justice avait réclamé la dissolution pure et
simple du mouvement accusé de ne pas respecter la loi et de "favoriser
le terrorisme".
Al-Wefaq anime un mouvement de protestation de la majorité chiite contre
le pouvoir sunnite et réclame une véritable monarchie constitutionnelle
à la famille royale de Al-Khalifa.
Le tribunal administratif a jugé dimanche que le mouvement était "allé,
dans son action politique, jusqu'à inciter à la violence et encourager
les manifestations et les sit-in qui sont de nature à provoquer une
discorde confessionnelle dans le pays".
Il "n'a cessé aussi de critiquer les institutions de l'Etat", a ajouté
le tribunal, dont la décision peut faire l'objet d'un appel.
La justice a en outre prononcé la saisie des fonds du groupe au "profit du Trésor public", selon une source judiciaire.
Ce jugement a été prononcé en l'absence des avocats de la défense qui se
sont retirés lors d'une précédente audience pour protester contre
l'interdiction qui leur avait été faite de consulter les archives du
mouvement pour préparer leurs plaidoyers.
L'offensive judiciaire contre Al-Wefaq a suscité des critiques de l'ONU
et des Etats-Unis, proche allié de Bahrein qui accueille la Ve Flotte
américaine. Des organisations de défense des droits de l'Homme ont
également dénoncé une tentative d'éliminer "ce qui reste de
l'opposition" dans ce petit royaume du Golfe.
A Londres, le nouveau ministre britannique des Affaires étrangères,
Boris Johnson, s'est dit dimanche "profondément préoccupé" par la
dissolution d'Al-Wefaq et appelé Manama à favoriser "un dialogue
constructif et inclusif pour promouvoir la cohésion sociale (...), dont
la représentation politique, pour tous les Bahreïnis".
Mais le Premier ministre Khalifa Ben Salmane Al-Khalifa, qui défend "la
fermeté" de son gouvernement, a répété dimanche que "les mesures prises
pour préserver la sécurité et la stabilité du pays sont irréversibles".
Le chef d'Al-Wefaq, cheikh Ali Salmane, purge actuellement une lourde
peine de prison pour complot contre le régime et incitation à la
désobéissance.
Le 20 juin, les autorités avaient déchu de sa nationalité bahreïnie le
chef spirituel chiite, cheikh Issa Qassem, 75 ans, accusé d'"encourager
le confessionnalisme et la violence" et de servir "des intérêts
étrangers", en allusion à l'Iran.
Soutenu par l'Arabie Saoudite, Manama accuse régulièrement l'Iran, une
puissance à majorité chiite, de s'ingérer dans ses affaires intérieures,
ce que Téhéran a toujours démenti.
Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a affirmé le 6
juillet que son pays n'intervenait pas dans les affaires intérieures de
Bahreïn. Mais il a mis en garde contre le risque que "le conflit
politique" ne se transforme "en guerre interne".
Si la violence a baissé en intensité ces dernières années, la justice de
Bahreïn continue de prononcer de lourdes peines de prison contre les
auteurs présumés d'attaques, notamment contre les forces de l'ordre.
Ces condamnations sont souvent assorties de retrait de la nationalité,
une mesure qui a sanctionné au moins 261 personnes depuis 2012, selon le
Bahrain Center for Human Rights (BCHR).
Le chef de cette ONG, le chiite Nabil Rajab, est poursuivi pour insulte
aux autorités et atteinte à l'Arabie saoudite. Arrêté le 13 juin, cet
homme de 51 ans est maintenu en détention en attendant son jugement le 2
août, malgré les appels à sa libération, dont ceux lancés par Amnesty
et le Parlement européen.
(17-07-2016 - Assawra)
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