Des combattantes arabes syriennes contre Daesh près de Raqa, en Syrie, le 6 février 2017 (Afp)
Elles combattent la plus redoutable organisation terroriste au monde,
mais en suivant l'exemple de leur consœurs kurdes, les centaines de
guerrières arabes en Syrie doivent également braver le courroux de leur
famille et le poids des traditions.
A 20 km de Raqa (nord), "capitale" du groupe ultraradical Daesh, qui s'autoproclame encore Etat islamique
(EI) qu'une alliance arabo-kurde veut conquérir, Batoul, 21 ans, défend
sa cause avec ferveur, derrière des digues de sable.
"J'ai bravé mon clan, mon père, ma mère. Maintenant je brave l'ennemi",
affirme la jeune femme portant un gilet à munitions et au cou, un
foulard fleuri de couleur bordeaux.
"Mes parents m'ont dit +tu abandonnes les armes ou te renies+", raconte-t-elle. Depuis, ils ne lui ont plus adressé la parole.
A la différence des combattantes kurdes qui, à l'instar des hommes,
portent depuis longtemps les armes, l'engagement militaire des femmes
arabes en Syrie sort de l'ordinaire et est mal vu par leur entourage
familial.
Batoul, issue des Al-Charabyé, l'un des clans conservateurs les plus connus du nord-est syrien, se décrit comme une rebelle.
"Je portais le voile et mon père nous obligeait à prier devant lui, je refusais cela", dit-elle, la tête nue.
Elle se trouve avec ses compagnes d'armes en plein désert, près du
village d'Al-Torchane aux mains de l'EI dans le nord-est de la province
de Raqa en majorité tenue par les jihadistes.
"J'ai rejoint les YPJ pour libérer la patrie mais aussi libérer la femme
de l'esclavage. Il ne faut plus qu'on reste cloîtrée entre quatre
murs", ajoute Batoul, en référence aux "Unités de protection de la
femme", l'équivalent féminin des forces kurdes masculines des YPG.
Combattants arabes et kurdes sont alliés sous la bannière des Forces
démocratiques syriennes (FDS) qui luttent contre Daesh depuis fin 2015
avec le soutien de la coalition internationale dirigée par Washington.
Depuis les positions des combattantes arabes, on voit une épaisse fumée
se dégager d'Al-Torchane, cible des raids des avions de la coalition et
des tirs d'obus.
Batoul a rejoint les YPJ il y a deux ans mais c'est son premier combat
contre Daesh, dans le cadre de l'offensive lancée par les FDS en
novembre.
"La première fois que j'ai tenu une arme, j'ai eu terriblement peur",
reconnaît-elle. "Désormais, mon arme fait partie de moi-même. Elle me
libère et me protège".
Elle s'exprime en arabe mais ses propos sont entrecoupés de mots en kurde qu'elle a appris en côtoyant ses sœurs d'armes.
Les Kurdes en Syrie se targuent de mettre en avant l'égalité entre hommes et femmes, notamment en zone de combat.
D'après la porte-parole de l'offensive, la kurde Jihan Cheikh Ahmad, le
nombre de combattantes arabes ayant rejoint les FDS s'élève actuellement
à plus de 1.000. Les victoires remportées contre Daesh les ont
encouragées à se rallier aux FDS.
Près du front, sous une tente, six jeunes femmes blaguent et échangent des confidences en sirotant du thé.
"Mon but est de libérer la femme de l'oppression de Daesh mais aussi de l'oppression de la société", affirme Hevi
Dilirin, souriante, vêtue d'une veste treillis et de baskets gris et
blancs.
"Chez nous, les femmes n'ont pas leur mot à dire. Elles doivent avoir
les mêmes droits que les hommes", martèle la jeune femme qui a adopté un
nom de guerre kurde après avoir rejoint les YPJ en 2015.
Sa sœur d'armes Doza Jiyan, 21 ans, les cheveux bruns attachés en
arrière, assure que la majorité des familles arabes acceptent
"difficilement" qu'une femme participe aux combats.
"Dans notre société syrienne, on trouve bizarre qu'une femme prenne les
armes", affirme la combattante aux sourcils épais, originaire de la
ville Ras al-Aïn (nord-est).
"L'EI n'est plus invincible, (les terroristes) ne se battent plus qu'à
bord de motos et se contentent de miner les villages", ajoute-t-elle, en
discutant avec ses compagnons masculins de la situation sur le terrain.
Cette tactique ralentit l'avancée des FDS qui se trouvent depuis un mois à 20 km de la ville de Raqa.
Doza Jiyan est confiante que les mentalités sur les femmes au combat
changeront avec les futurs succès face aux terroristes. "Je suis très
heureuse ici", dit-elle, avec le sourire.
(11-02-2017)
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