Anas
Qaterji, un réfugié syrien à ouvert un restaurant qu'il a orné de
quelques éléments qu'il a pu sauver des bombes, le 2 janvier 2017 au
Camp de Nousseirat (Afp)
Quand le restaurant familial a été écrasé sous les bombes à Alep, Anas
Qaterji n'a eu d'autre choix que de fuir la Syrie. C'est par un tunnel
sous la frontière égyptienne qu'il est entré dans la bande de Gaza sous
blocus.
Depuis son arrivée en 2013, il a retrouvé dans le territoire palestinien
un peu de la vie qui était autrefois la sienne dans la prospère
capitale économique syrienne. Il a ouvert un restaurant identique à
celui qu'il a laissé derrière lui près de la citadelle d'Alep.
Dans le camp de réfugiés de Nousseirat, au sud de la ville de Gaza, Anas
Qaterji, 29 ans, a acheté un local de 50 mètres carrés pour 50.000
dollars. D'Alep, il a sauvé un panneau de bois, vieux selon lui de 500
ans, sur lequel sont calligraphiés des versets coraniques. Le vestige
trône désormais au milieu de la petite cantine de l'immense camp où près
de 160.000 réfugiés s'entassent dans la misère.
Au-dessus de cafetières traditionnelles et d'antiques tasses en cuivre,
un panneau proclame: "Restaurant Jar al-Qalaa 2: on vous emmène à Alep".
Difficile de dénombrer les Syriens de Gaza. Beaucoup sont arrivés là
faute de trouver de quoi vivre en Egypte et pensant qu'ils ne
resteraient pas. Ils sont entrés illégalement par l'Egypte pendant la
brève présidence de l'islamiste Mohamed Morsi, destitué en 2013. Depuis,
l'armée égyptienne a détruit la grande majorité des tunnels qu'ils
avaient empruntés.
Ils seraient entre 150 et quelques centaines dans l'enclave
palestinienne administrée par le Hamas, selon des sources locales. Aucun
d'eux n'est enregistré ou n'a déclaré officiellement son entrée.
Warif Qassem Hamido, à la tête d'une association de familles syriennes, a
lui aussi tout quitté à Alep. Il est arrivé un jour de 2013, avec 11
autres familles syriennes. A Gaza, il a ouvert son restaurant,
"Souriana". Seuls quatre Syriens sont parvenus à rebondir, relève-t-il.
Pour les autres réfugiés, la vie est "très dure".
La bande de Gaza a été ravagée par trois guerres avec Israël entre 2008
et 2014. Le chômage caracole à 45%, l'inflation ne cesse de grimper.
L'agence de l'ONU en charge des réfugiés palestiniens, l'UNRWA, est un
soutien vital pour une grande partie de la population, mais elle ne
prend pas en charge les Syriens.
Ces derniers "n'ont aucun moyen de payer leur loyer, de se soigner ou de
payer les frais d'université de leurs enfants", déplore Warif Qassem
Hamido.
Pour les situations d'urgence, l'association de cet animateur d'une
émission télévisée sur les Syriens de Gaza, lance des appels à l'aide
sur les réseaux sociaux. Elle vient de rassembler une collecte pour
financer l'appendicectomie du petit Issam, trois ans.
Le restaurateur Anas Qaterji se languit de ses vieux parents, restés à
Alep, mais il ne rentrera pas. Car à Gaza, il a rencontré celle qui est
devenue sa femme.
Les clients se succèdent chez lui pour acheter des chawarmas et autres délices syriens à des prix abordables.
Comme Nadia Baraka, 20 ans, qui vient autant pour le plaisir du ventre
que pour l'acte militant. "Je montre ma solidarité avec les Alépins qui
vivent les mêmes souffrances que nous durant les offensives
israéliennes", explique cette étudiante, en admirant l'élégante
décoration de la salle où des employés en tenue ottomane servent les
clients.
"Ici, tout le monde parle d'Alep, les Palestiniens suivent de près l'actualité syrienne", assure Anas.
Mais un tel soutien ne suffit pas à Majed al-Atar, 47 ans, arrivé de
Damas durant l'été 2012 via un tunnel. Il a quitté le conflit syrien
pour vivre deux offensives israéliennes sur Gaza.
Incapable de trouver autre chose que des petits boulots, il ne peut
payer ni l'école des enfants, ni l'opération de sa femme pour des
problèmes de vue. Sans aide des autorités, il est tributaire des
associations de bienfaisance.
"Les instances en charge des réfugiés doivent nous faire sortir de Gaza
et nous relocaliser ailleurs car la situation empire de jour en jour",
s'alarme-t-il.
(24-02-2017 )
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