Le soldat franco-israélien Elor Azaria (c), le 21 février 2017 à Tel Aviv (Afp)
Un tribunal militaire israélien a condamné mardi à 18 mois de prison le
soldat Elor Azaria, accusé d'avoir achevé un assaillant palestinien
blessé, point d'orgue d'un procès qui aura profondément divisé le pays.
Le sergent de 21 ans est le premier soldat franco-israélien depuis plus
de dix ans à être condamné pour homicide selon la presse.
Sa condamnation a immédiatement suscité des appels à sa grâce de la part
de personnalités de la droite israélienne. La direction palestinienne
a, elle, dénoncé dans cette peine "légère" un "feu vert" donné aux
"crimes des soldats" israéliens contre les Palestiniens.
Elor Azaria et ses proches n'ont pas bronché à l'énoncé de la peine,
prononcée après des mois d'un procès exceptionnel qui a captivé Israël
et mis en lumière de profondes lignes de fracture. Une fois la cour
retirée, toute la famille a entonné l'hymne israélien.
Le jeune homme au visage rond et au crâne rasé était entré dans le
prétoire exigu de Tel-Aviv sous les applaudissements, les mains libres
et arborant un large sourire crispé dans son uniforme olive.
La présidente de la cour, Maya Heller, a estimé qu'il avait bel et bien
tiré pour tuer alors que le Palestinien ne constituait pas une menace.
Elle a noté qu'Elor Azaria n'avait exprimé aucun remords.
Elle lui a en revanche reconnu des circonstances atténuantes, évoquant
le "territoire hostile" sur lequel s'étaient produits les faits et
"l'épreuve subie par sa famille".
Elor Azaria doit commencer à purger sa peine le 5 mars, a-t-elle dit. Il peut faire appel.
A l'extérieur, plusieurs dizaines de personnes, étroitement surveillées
par les policiers après des heurts lors d'une précédente audience, ont
manifesté leur soutien au soldat, brandissant des pancartes et des
banderoles proclamant: "On ne laisse pas tomber les combattants" ou
"Mort aux terroristes".
Elor Azaria, qui a aussi la nationalité française, encourait 20 ans de prison.
Membre d'une unité paramédicale, le soldat a été filmé le 24 mars 2016
par un militant propalestinien d'une ONG israélienne alors qu'il tirait
une balle dans la tête d'Abdel Fattah al-Sharif à Hébron, en
Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël.
Le Palestinien venait d'attaquer des soldats au couteau. Atteint par balles, il gisait au sol, apparemment hors d'état de nuire.
Elor Azaria, arrêté immédiatement après les faits et depuis assigné à sa
base, plaidait non coupable. Il pensait que le Palestinien dissimulait
sous ses vêtements une ceinture d'explosifs, ont plaidé ses avocats.
Les Territoires palestiniens, Jérusalem et Israël étaient alors en proie à une vague de violences quasi-quotidiennes.
Ce contexte de tensions après des années de conflit et la litanie de
morts qu'il a causée ont fortement contribué à diviser l'opinion
israélienne devant le spectacle de ce procès ultra-médiatisé.
D'un côté, ceux qui défendent le procès au nom du respect nécessaire de
valeurs éthiques par l'armée. De l'autre, les tenants d'un soutien sans
faille aux soldats confrontés aux attaques palestiniennes.
Nombre d'Israéliens souscrivent aux propos qu'aurait tenus Elor Azaria
avant de tirer et selon lesquels l'assaillant méritait de mourir. Il a
été présenté par beaucoup comme un héros ou un bouc émissaire.
Plusieurs ministres du gouvernement considéré comme le plus à droite de l'histoire d'Israël ont demandé sa grâce.
"La sécurité d'Israël exige qu'il soit gracié (...) Il ne peut aller en
prison, sinon nous en paierons tous le prix", a dit le ministre
nationaliste religieux de l'Education Naftali Bennett, concurrent très à
droite du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Plus de deux tiers (70%) des Israéliens sont favorables à une grâce, selon un récent sondage.
L'état-major a bravé la réprobation et poussé au procès. Les forces
israéliennes sont régulièrement accusées d'exécutions sommaires, et il
importait à une armée qui se veut "morale" d'en apporter la preuve.
L'affaire a mis à l'épreuve cette institution, réputée comme un facteur
d'unité. Les messages haineux se sont multipliés contre les juges.
Les Palestiniens, quant à eux, ont suivi le procès de loin sans rien en
attendre. Pour eux, Abdel Fattah al-Sharif n'était qu'un Palestinien de
plus tombé sous les balles de l'occupant, et le procès n'aurait jamais
eu lieu si les faits n'avaient été filmés. La direction palestinienne
basée à Ramallah s'est cependant indignée de la durée de la peine.
"Est-ce que c'était un animal pour qu'on le tue de la sorte, de cette
manière barbare. Ce n'était pas un animal. C'était un être humain, tout
comme" Elor Azaria, a dit à des journalistes à Hébron le père du
Palestinien, Yousri al-Sharif.
(21-02-2017 )
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