Avec sa petite taille et son sourire mutin, Nassrin Abdallah ne semble
guère une menace pour les jihadistes. Et pourtant cette Kurde syrienne
est à la tête des combattants qui viennent de leur infliger une défaite
dans la ville symbole de Kobané.
De passage à Paris, où elle est accueillie en héroïne dans les milieux
kurdes, elle ne quitte pas son treillis frappé de l'étoile rouge du
Parti de l'Union démocratique (PYD), principale formation des Kurdes de
Syrie.
"A Kobané, la femme a été sur tous les fronts, dans toutes les
tranchées, face à un ennemi sauvage", lance cette femme de 36 ans, une
des principales dirigeantes de la branche armée du PYD.
A la tête des combattants kurdes, hommes et femmes, la "commandante"
Nassrin a été de toutes les batailles contre le groupe de l'Etat
islamique, qui contrôle de larges pans de territoire en Syrie, comme en
Irak.
"Nous avons tenu la promesse faite à notre peuple, et nous avons
remporté la victoire à Kobané", dit-elle sous les applaudissements lors
d'un meeting cette semaine.
Le 26 janvier, les combattants kurdes --soutenus par les raids aériens
de la coalition internationale-- avaient repris Kobané après quatre mois
de combats acharnés avec l'EI.
Selon la commandante Nissrin, environ 40% des combattants kurdes à
Kobané, ville du nord de la Syrie proche de la Turquie, étaient des
femmes.
Des militantes pures et dures mais aussi des mères de famille, qui ont
envoyé leurs enfants à l'abri en Turquie "et sont restées combattre dans
nos rangs", assure-t-elle à des journalistes.
Et parmi ces amazones figurent d'autres chefs militaires, comme la
légendaire Narine Afrin, qui a joué un rôle de premier plan dans la
défense de Kobané.
Ou la kamikaze Arin Mirkan, qui s'est fait exploser le 5 octobre au
milieu des jihadistes qui assiégeaient la ville, tuant des dizaines de
combattants de l'EI selon des sources kurdes.
Au total, 4.000 femmes combattent dans les rangs de la branche militaire
du PYD selon les responsables kurdes qui se refusent de dévoiler le
nombre global de miliciens.
Ont-elles eu peur d'affronter des jihadistes aguerris, venus du monde
entier? "Au contraire, ils ont peur de combattre les femmes", affirme la
jeune femme. "Ils croient qu'ils n'iront pas au paradis s'ils sont
abattus par une femme".
"Le plus difficile était le manque d'armes et de munitions", indique la commandante Nassrin.
Cette ancienne journaliste, originaire de la ville de Qamishli dans le
nord-est de la Syrie, a rejoint la rébellion depuis un soulèvement
manqué dans cette ville des Kurdes contre le régime de Bachar Al-Assad
en 2004. Célibataire, elle reste avare de détails sur sa vie privée.
Au-delà de l'aspect militaire, les Kurdes veulent voir tout un symbole
dans leur victoire contre les jihadistes qui asservissent les femmes
dans les zones sous leur contrôle, les forçant à se voiler, et réduisant
même des femmes de la minorité yézidie à l'esclavage.
"Daesh (autre nom du groupe Etat islamique) constitue un grand danger
pour la femme et son statut", souligne ainsi Assia Abdallah,
codirigeante du PYD.
Mme Abdallah et la "commandante" Nassrin ont été reçues dimanche par le
président français François Hollande, dans le premier entretien du
genre, a révélé la formation kurde qui cherche à obtenir une
reconnaissance internationale.
Le PYD est la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan
(PKK), autonomiste kurde turc qui est considéré comme une organisation
terroriste par Ankara.
Dans une volonté de promouvoir les femmes, il a adopté à l'exemple du
parti frère une structure bicéphale pour ses branches politique et
militaire et ses organisations de masse, codirigés par un homme et une
femme.
Et à l'automne 2014, il a promulgué dans les zones kurdes de Syrie qu'il
contrôle un décret garantissant aux femmes les mêmes droits que les
hommes, bannissant les "crimes d'honneur" et interdisant la polygamie,
pourtant légale pour les musulmans dont la plupart des Kurdes font
partie.
(11-02-2015)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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