"Je n'ai pas mangé de tomates ou de pommes de terre depuis plus d'un
an", témoigne Salma, une mère de famille syrienne qui, avec des milliers
d'autres, a évacué une région assiégée par le régime de Bashar
al-Assad.
"Nous avons décidé de partir, au péril de notre vie", raconte cette
femme de 35 ans, assise sur un matelas en berçant son bébé. Car "nos
enfants auraient pu mourir là-bas de peur, de faim et de froid".
Salma fait partie des milliers de civils sortis ces derniers mois de la
Ghouta orientale, une région à l'est de Damas considérée comme le
"réservoir de la rébellion". Elle s'est réfugiée avec des dizaines
d'autres familles dans un centre d'accueil à Qoudsaya, au nord-ouest de
la capitale.
Dans ce bâtiment géré par le ministère de la Réconciliation, les visages
émaciés et tristes se ressemblent, comme celui d'Abou Ali, arrivé il y a
quelque jours avec sa famille.
Cet ancien fonctionnaire de la mairie de Mleiha raconte que "tous les
jours à l'aube", il fouillait avec sa fille "les poubelles pour trouver
quelque chose, comme une feuille de salade, juste de quoi calmer notre
faim".
"Avant, j'avais du travail et nourrissais mes enfants, alors que
maintenant...", se désole Abou Ali, étendu sur un matelas, avant que sa
voix ne s'étrangle.
"Nous mangions du fourrage", se rappelle aussi Salem, vêtements loqueteux, les dents noircies par les caries.
Cet habitant de Deir Assafir a vendu les bijoux de sa femme pour acheter
de l'orge à des prix exorbitants, le kilo se vendant à 1.000 livres
syriennes (20 dollars).
Dans la Ghouta, des dizaines de personnes sont mortes de pénuries de
nourriture et de médicaments. Des milliers d'autres, vaincues par la
faim et les bombardements, ont fini par accepter de quitter leurs
villages sous la protection des forces gouvernementales.
Le centre de plusieurs étages où s'est rendue l'AFP avec d'autres médias
dans le cadre d'une visite organisée par le ministère abrite 860
personnes dans des salles meublées du strict nécessaire, notamment de
matelas noirs.
Dans l'une d'elles, un homme amputé des deux pieds est couché sur un
matelas près d'un fauteuil roulant. D'autres chambres sont remplies de
malades, selon les organisateurs.
Abou al-Majd, un volontaire, affirme que certains déplacés étaient
atteints de maladies inexistantes depuis longtemps en Syrie, comme la
tuberculose et la lèpre.
L'ONG Médecins sans frontières (MSF) a mis en garde la semaine dernière
contre la situation sanitaire dans la Ghouta, disant qu'elle avait
"franchi toutes les lignes rouges".
Les déplacés racontent également que certains rebelles profitaient du
siège pour imposer leur loi et monopolisaient les produits alimentaires
pour les vendre à des prix exorbitants.
"On achetait la cigarette à 175 livres syriennes (0,7 dollar), alors que
le paquet ici coûte 125" (0,5 dollar), témoigne Aboul-Nour, 50 ans. De
même, un oeuf se vendait à 200 livres contre 30 (0,13 dollar) à Damas,
et le kilo de sucre coûtait 4.000 livres (16,5 dollars) contre 125
livres (0,5 dollar).
Moustapha, 76 ans, dont la maigreur transparait de sa djellaba noire, dit avoir perdu 40 kilos en deux ans.
Cet ancien gérant de boucheries et d'un restaurant à Mleiha raconte
qu'il pouvait porter à lui seul un mouton de 50 kilos. Mais
"aujourd'hui, toutes mes forces m'ont abandonné".
"Je vivais dans l'aisance, maintenant je ne possède plus rien. Mes
maisons et mes magasins ont été détruits", se lamente ce septuagénaire
qui employait 60 personnes.
"Tout ce que j'ai gagné dans ma vie est parti en fumée".
(24-02-2015)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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