La Tunisie était engagée samedi dans les derniers préparatifs pour ses
premières législatives depuis la révolution de 2011, un scrutin crucial
pour lequel un vaste dispositif de sécurité sera déployé par crainte
d'attaques djihadistes. La campagne pour ces élections, qui seront
suivies le 23 novembre d'une présidentielle, a été dans l'ensemble
morose - les espoirs révolutionnaires de nombreux Tunisiens ayant été
déçus - mais pacifique. Samedi et dimanche, les partis sont tenus au
silence, si bien que leurs derniers meetings de campagne se sont
déroulés vendredi soir.
Selon les observateurs, deux partis partent favoris : les islamistes
d'Ennahda, au pouvoir de début 2012 à début 2014, et leurs principaux
détracteurs de Nidaa Tounès, une formation hétéroclite rassemblant aussi
bien des anciens opposants au dictateur déchu de Zine el-Abidine Ben
Ali que des caciques de son régime. Près de 5,3 millions d'électeurs
sont convoqués aux urnes dans 33 circonscriptions afin d'élire à la
proportionnelle 217 députés parmi les quelque 1 300 listes candidates.
Les Tunisiens de l'étranger votent pour leur part depuis vendredi dans
leurs pays respectifs.
Si la Tunisie fait figure aux yeux de la communauté internationale de
dernier espoir de transition démocratique réussie parmi les pays du
Printemps arabe, les autorités n'en craignent pas moins des attaques
djihadistes visant à faire dérailler les élections. D'ailleurs, un
assaut, après plus de vingt-quatre heures de siège, contre une maison en
banlieue de Tunis abritant un groupe armé s'est soldé vendredi par la
mort de six suspects, dont cinq femmes, selon la police. La veille, un
gendarme avait été tué.
"J'appelle tous les Tunisiens à voter massivement, car c'est
un jour très important pour l'histoire politique de la Tunisie, et à ne
pas avoir peur des menaces, car les terroristes ont cet objectif
d'empêcher les élections, la création d'une démocratie, d'un État de
droit", a martelé le ministre de la Défense, Ghazi Jeribi. Depuis la
révolution de fin 2010-début 2011, la Tunisie a assisté à l'essor de
groupes djihadistes, responsables d'attaques ayant tué des dizaines de
membres des forces. Quelque 80 000 policiers et militaires doivent être
déployés pour le scrutin. Ils sont déjà présents en nombre à travers
tout le pays depuis une semaine.
Le Premier ministre Mehdi Jomaa, les ministres de l'Intérieur et de la
Défense et le président de l'instance organisant les élections (ISIE),
Chafik Sarsar, inspectaient samedi matin dans la région de Nabeul (nord)
des bureaux de vote, des postes de police et un centre de stockage des
urnes. "Ce qui est important, c'est de (...) voir les dernières
(mesures) mises en place pour la sécurité, les préparatifs pour la
grande journée, l'heure de vérité", a déclaré Chafik Sarsar.
L'ISIE a précisé qu'elle ne serait probablement pas en mesure d'annoncer
les résultats dans la nuit de dimanche à lundi, alors qu'elle a
jusqu'au 30 octobre pour faire état de la composition du nouveau
Parlement. Les partis en lice peuvent néanmoins publier plus tôt des
résultats de leur décompte des voix, le dépouillement étant public.
Le mode de scrutin - la proportionnelle au plus fort reste -
favorisant les petites formations, les principales forces politiques ont
d'ores et déjà souligné qu'aucun parti ne serait à même de gouverner
seul. "Je crois que le Parlement sera fragmenté", reconnaît Mohsen
Marzouk, un des dirigeants de Nidaa Tounès, qui prévoit qu'Ennahda et
son parti se partagent quelque 150 sièges, les autres revenant à une
kyrielle de petites formations avec lesquelles des négociations pour
former une coalition de gouvernement devront avoir lieu. Reste aussi
l'inconnu de la participation, nombre de Tunisiens se disant désabusés
par les batailles politiciennes qui ont retardé de deux ans ces
élections.
Ennahda, qui a dû quitter le pouvoir début 2014 à l'issue d'une année
2013 marquée par une crise politique, l'assassinat de deux de ses
opposants et des attaques djihadistes, a assuré vouloir former un
cabinet consensuel, se disant même prêt à une alliance de circonstance
avec Nidaa Tounès.
Le grand parti séculier, qui fait campagne en se posant en unique
alternative à Ennahda, régulièrement qualifié de groupe obscurantiste et
antidémocratique, prévoit aussi en cas de victoire de former une
coalition et n'a pas entièrement fermé la porte à une collaboration avec
les islamistes.
(25-10-2014)
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