Un deuxième tour se dessinait en Tunisie après l'élection présidentielle
historique de dimanche pour départager le président Moncef Marzouki et
le chef du parti Nidaa Tounès, Béji Caïd Essebsi, ce dernier
revendiquant une large avance.
"Béji Caïd Essebsi (...) est le premier de la course et avec un écart
important", a déclaré à la presse le directeur de sa campagne, Mohsen
Marzouk, jugeant que son candidat n'était "pas très loin des 50%" mais
qu'un deuxième tour était "probable".
Le camp du chef de l'Etat sortant affirmait pour sa part que les deux
rivaux étaient au coude-à-coude à l'issue de cette journée de vote
crucial, près de quatre ans après la révolution qui chassa Zine El
Abidine Ben Ali du pouvoir.
"Dans
le pire des cas nous sommes à égalité, et dans le meilleur des cas nous
avons 2 à 4% d'avance", a contré le directeur de campagne de M.
Marzouki, Adnène Mancer. "Nous entrons dans le deuxième tour avec des
grandes chances" face à M. Essebsi, a-t-il estimé.
M. Mancer a balayé les résultats de sondages réalisés à la sortie des
bureaux de vote plaçant le chef de Nidaa Tounès largement en tête
(42,7%-47,8% suivant les instituts) face à M. Marzouki (26,9% à 32,6%).
Ces données ont été largement relayées par les médias tunisiens, y
compris la télévision d'Etat, malgré une interdiction de les publier.
L'instance
électorale (ISIE) a jusqu'au 26 novembre pour annoncer les résultats et
la tenue d'un éventuel deuxième tour fin décembre si aucun des 27
candidats en lice n'obtient de majorité absolue.
M. Mancer a aussi dit craindre des "fraudes" et appelé les observateurs
électoraux à la vigilance: "Nos observateurs ne doivent quitter les
urnes qu'après la fin de l'opération de dépouillement parce que nous
nous attendons (...) à ce qu'une opération de vraie fraude commence".
Les deux principaux concurrents n'ont jamais caché leur aversion l'un
pour l'autre. M. Marzouki s'est efforcé de se poser en candidat naturel
de la révolution, par opposition à M. Caïd Essebsi, 87 ans et vétéran de
la scène politique qui a servi comme ministre sous le régime
autoritaire de Habib Bourguiba et présidé brièvement le Parlement de Ben
Ali.
De son côté, le chef de Nidaa Tounès reproche à M. Marzouki son alliance
avec le parti islamiste Ennahda, qui l'a conduit à la présidence en
2011.
M. Essebsi a aussi fait campagne sur la nécessité de renforcer l'Etat et
son prestige, la Tunisie ayant vécu une transition mouvementée marquée
par les assassinats de deux opposants à Ennahda, l'essor de groupes
jihadistes et des problèmes socio-économiques structurels.
Les
autorités ont elles insisté dimanche sur le caractère historique de
cette première présidentielle libre de la Tunisie indépendante, les
précédents présidents ayant usé du plébiscite ou de falsifications pour
se faire réélire avec des scores dépassant les 90% des voix.
"C'est une journée historique, la première élection présidentielle en
Tunisie avec des normes démocratiques avancées", s'est félicité le
Premier ministre Mehdi Jomaa, un indépendant chargé en début d'année de
sortir la Tunisie d'une profonde crise politique et d'organiser les
échéances électorales.
Aucun incident majeur n'a été signalé. Des dizaines de milliers de
policiers et militaires avaient été déployés pour parer notamment à une
éventuelle attaque jihadiste.
Le
taux de participation était pour sa part assez mesuré, atteignant
53,73% vers 16H30 (15H30 GMT), une heure et demie avant la fermeture des
bureaux de vote à 17H00 GMT.
Près de 5,3 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes un mois après
la tenue de législatives dont le caractère démocratique a été salué par
la communauté internationale, une exception dans la région, l'essentiel
des pays du Printemps arabe ayant basculé dans la répression ou le
chaos.
Afin d'éviter un retour à la dictature, la nouvelle Constitution donne
des prérogatives assez limitées au président, élu pour cinq ans, mais
l'élection au suffrage universel lui confère un poids politique
important. L'essentiel du pouvoir exécutif dépend du futur Premier
ministre issu de la majorité parlementaire.
M.
Caïd Essebsi espère qu'une victoire lui permettra de former plus
facilement une majorité de gouvernement, la victoire aux législatives de
son parti étant insuffisante pour gouverner seul.
(23-11-2014)
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