Marginalisés par la guerre entre le régime et les jihadistes pour le
contrôle de la Syrie, les initiateurs de la révolte en faveur de la
démocratie en 2011 pleurent leur rêve brisé de liberté.
"La majorité de ceux qui ont manifesté pacifiquement sont morts, en
prison, en exil ou assiégés", affirme à l'AFP Sami Saleh, un jeune de 28
ans originaire de Hama, l'un des foyers de la révolte de 2011.
"La révolution est morte. Ces chiens ont repris le contrôle (...) C'est
désormais une guerre totale", dit-il de Turquie où il vit en exil.
La répression sanglante de la révolte réclamant au départ des réformes
politiques a fait basculer le pays dans un conflit qui a fauché la vie à
près de 200.000 personnes.
Pour les militants, le rêve a viré au cauchemar: les jihadistes ont
chassé la plupart des rebelles modérés, vénérés hier encore comme des
héros mais aujourd'hui perçus comme des seigneurs de guerre.
Et face à la menace du groupe extrémiste Etat islamique (EI), la
communauté internationale a laissé les mains libres au régime du
président Bashar al-Assad, qui poursuit impitoyablement ses campagnes de
bombardements et d'arrestations.
Une révolution, ce sont
des mouvements de protestation, des actions civiles. Mais nous assistons
aujourd'hui à des combats pour le contrôle de territoires ou des
ressources", se désole Sami Saleh.
Le sentiment de défaite a poussé beaucoup à abandonner leur exigence de
chasser Assad à tout prix. Désormais, ils insistent simplement sur la
fin de la violence.
Naël Moustafa, qui travaille clandestinement dans la ville
septentrionale de Raqa, fief depuis le printemps 2013 des jihadistes
ultra-radicaux, est lui aussi amer.
"C'est une profonde désillusion", confie-t-il, en soulignant vouloir "que la machine à tuer cesse de fonctionner".
Ce jeune homme, qui risque sa vie pour documenter les violations
commises par l'EI, assure n'avoir jamais soutenu la militarisation de la
révolte: "je respecte les sacrifices des rebelles mais quand la
décision fut prise de prendre les armes, j'ai su que c'était la fin de
la révolution".
Après ce tournant, progressivement, des groupes armés ayant comme idéal non pas une démocratie mais une théocratie ont émergé.
Ainsi, le militant Ibrahim al-Idlebi, qui a survécu à deux séjours en
prison où il fut torturé, a été contraint à l'exil pour échapper non pas
au régime mais aux jihadistes du Front Al-Nosra qui se sont récemment
emparés de la majorité des positions rebelles dans sa province natale
d'Idleb.
"Si quelqu'un m'avait dit en 2011 que les choses tourneraient ainsi, je
lui aurais rigolé au nez", assure-t-il à l'AFP via internet.
Ibrahim al-Idlebi blâme à la fois le régime, la naïveté des rebelles et le cynisme des pays ayant soutenu la révolte.
"La régime a prétendu que les manifestants étaient armés alors qu'ils ne
l'étaient pas, puis en fin de compte les gens ont pris les armes",
explique-t-il.
"Le régime a soutenu qu'il y avait des 'terroristes' en Syrie alors
qu'il n'y en avait aucun, puis les terroristes sont arrivés. C'est
certainement la faute du régime mais nous avons aidé à donner de la
véracité à ses allégations. Nous avons commis erreur après erreur".
Et, selon lui, "les rebelles sont engagés aujourd'hui dans une guerre
pour le contrôle de territoires, et leurs parrains, notamment Doha et
Ryad, utilisent la Syrie comme champ de bataille".
Chaque pays est mu par ses propres intérêts "plutôt que par le désir
altruiste d'aider les protestataires à renverser Assad", poursuit ce
jeune homme.
Le militant kurde syrien Ahmad Khalil refuse toutefois de perdre espoir.
Arrêté par le régime avant de fuir en Turquie, il est aujourd'hui
réfugié politique en Norvège avec sa femme et son nouveau-né.
"Il y aura une nouvelle vie en Syrie. Nous ne vivrons peut-être pas
assez longtemps pour la voir mais quand cela arrivera ce sera très
beau", prédit-il depuis l'hôpital où sa femme vient d'accoucher.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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