La Tunisie organise dimanche sa première élection présidentielle
pluraliste et espère franchir sans accroc cette nouvelle étape de sa
transition vers la démocratie, jusqu'ici érigée en exemple par la
communauté internationale.
Vingt-sept personnalités sont en lice pour ce scrutin pour lequel
l'ex-Premier ministre Béji Caïd Essebsi, 87 ans, dont le parti
anti-islamiste Nidaa Tounès a remporté les législatives du 26 octobre,
est le grand favori.
Quatre d'entre elles, parmi lesquelles l'ancien gouverneur de la Banque
centrale Mustapha Kamel Nabli, ont annoncé renoncer à la course, mais
leur retrait n'est pas pris en compte par l'instance électorale.
Parmi les autres candidats figurent le président sortant Moncef
Marzouki, des ministres du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, une
figure de proue de la gauche, Hamma Hammami, le richissime homme
d'affaires Slim Riahi ainsi qu'une magistrate, Kalthoum Kannou, seule
femme candidate.
Si aucun des candidats ne remporte la majorité absolue dès le premier tour, un second tour est prévu fin décembre.
Pour la première fois, les Tunisiens pourront voter librement pour leur
chef d'Etat. De son indépendance en 1956 jusqu'à la révolution, le pays
n'a en effet connu que deux présidents: Habib Bourguiba, le "père de
l'indépendance" déposé le 7 novembre 1987 par un coup d'Etat de son
Premier ministre, Ben Ali; et ce dernier, qui occupa le Palais de
Carthage jusqu'à sa fuite en Arabie saoudite le 14 janvier 2011.
Pour tenter d'éviter une nouvelle dictature, les différentes forces
politiques s'étaient mises d'accord pour que la Constitution accorde au
futur chef de l'Etat des pouvoirs restreints, l'essentiel de l'exécutif
relevant du Premier ministre issu de la majorité parlementaire.
Favori du scrutin malgré son âge avancé, M. Caïd Essebsi a axé sa
campagne sur "le prestige de l'Etat", un discours qui a trouvé de l'écho
auprès de nombreux Tunisiens se disant exaspérés de l'instabilité qui a
suivi le soulèvement populaire de décembre 2010-janvier 2011.
Si ses partisans le considèrent comme le seul à pouvoir "faire barrage"
aux islamistes, ses opposants l'accusent, eux, de chercher à reproduire
l'ancien régime. M. Caïd Essebsi a en effet servi aussi bien sous
Bourguiba que sous Ben Ali.
Le président Marzouki n'a d'ailleurs cessé pendant sa campagne de se
poser en rempart contre le retour des "anciens", exhortant les Tunisiens
à voter pour lui pour contrer les "menaces" pesant selon lui sur les
libertés chèrement acquises avec la révolution.
Ennahda, arrivé deuxième derrière Nidaa Tounès aux législatives avec 69
sièges sur 217, n'a pas présenté de candidat à la présidentielle et a
indiqué qu'il laissait le choix à ses membres pour "élire un président
qui garantisse la démocratie".
Depuis l'annonce des résultats des législatives, les spéculations vont
bon train sur la composition du futur gouvernement et la possibilité
d'une alliance, en apparence contre nature, entre Nidaa Tounès et
Ennahda. Aucun des deux partis n'a exclu une éventuelle collaboration
avec l'autre.
M. Caïd Essebsi avait dit qu'il attendrait les résultats de la
présidentielle avant d'engager des tractations pour s'assurer une
majorité à l'Assemblée. Son parti a remporté 86 sièges aux législatives
mais il lui en manque 23 pour atteindre la majorité absolue de 109 élus
nécessaire pour former un gouvernement.
"L'enjeu principal de la présidentielle est la formation de la future
coalition, pour pouvoir nommer un gouvernement et une majorité stable
sur les cinq prochaines années", a indiqué à l'AFP l'analyste
indépendant Selim Kharrat.
"Nidaa Tounès et Béji Caïd Essebsi ont besoin d'une victoire (...) pour
pouvoir avoir d'un côté un président (de la république) qui émane du
parti, mais également un chef du gouvernement et aussi une majorité
relative au sein du Parlement", a-t-il ajouté.
Un tel scénario fait craindre à certains une "domination" de la scène politique par un seul parti.
Tout en reconnaissant le risque d'une "monopolisation des pouvoirs", M.
Kharrat juge toutefois que des "contre-pouvoirs", avec notamment une
société civile forte, s'activeront comme au cours de ces dernières
années pour "que le processus démocratique puisse continuer".
Les élections doivent doter la Tunisie, près de quatre ans après la
révolution et avec deux ans de retard, d'institutions pérennes. Le pays
fait figure d'exception dans la région, l'essentiel des Etats du
Printemps arabe ayant basculé dans le chaos ou la répression.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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