Le conflit brutal qui déchire la Syrie depuis près de quatre ans a fait
revenir trois décennies en arrière l'économie de ce pays, qui pourrait
bien ne jamais s'en remettre, estiment des experts.
Avec une inflation à deux chiffres, la moitié de la population au
chômage, des échanges avec l'extérieur réduits à peau de chagrin et des
infrastructures en majorité détruites, la Syrie est économiquement en
ruines.
"Le pays a perdu une décennie en termes d'indice de développement humain
et son économie est revenue à son niveau des années 80", affirme Bassel
Kaghadou, chargé par les Nations unies de réfléchir aux façons de
reconstruire l'économie et la société syriennes.
"La Syrie ne sera plus jamais la même, son économie sera plus modeste, sa population moins nombreuse", assure-t-il.
Depuis le début en 2011 de la guerre civile, "le PIB s'est contracté de
plus de 40%", selon May Khamis, responsable du Fonds monétaire
international (FMI) au Moyen-Orient. "La production pétrolière est
quasiment à l'arrêt, l'inflation est passée de 4% en juin 2011 à plus de
120% en août 2013 et avoisinait les 50% en mai 2014", explique-t-elle.
Les sanctions économiques internationales, qui ont notamment ciblé les
secteurs bancaire et pétrolier, ont fragilisé un pays où près de la
moitié de la population a dû quitter ses foyers et dont le territoire
est fragmenté en plusieurs zones d'influences: régime, rebelles modérés
ou islamistes et jihadistes comme le Front Al-Nosra et le groupe Etat
islamique.
Outre le côté sécuritaire, beaucoup de sociétés étrangères ont décidé de
ne plus travailler dans un pays mis au ban de la communauté
internationale afin de ne pas ternir leur image, selon Jihad Yazigi,
rédacteur en chef du site d'informations économiques The Syria Report.
"Elles ont peur des conséquences, par exemple sur leurs activités aux
Etats-Unis", dit-il.
Le gouvernement n'a en outre plus de revenus "importants", analyse M. Yazigi.
Pour s'adapter, le régime a mis en place des mesures drastiques
d'économies, supprimant nombre de subventions. Le prix du pain a bondi
de 70%, ceux du riz et du sucre ont doublé. Le coût de l'électricité et
de l'eau a également explosé, selon Jihad Yazigi.
"Le gouvernement n'importe plus que ce qu'il considère comme le strict
nécessaire: de la nourriture et des armes", souligne un économiste
spécialisé sur la Syrie, sous couvert de l'anonymat.
Selon lui, le régime s'en remet à de riches hommes d'affaires pour payer
la solde des miliciens pro-gouvernementaux et acheter du pétrole à
l'étranger afin de fournir des entreprises privées.
Une économie parallèle s'est en outre développée et les actes de pillage par des milices pro-régime se sont multipliés.
A court terme, M. Yazigi prévoit la poursuite du déclin de l'économie
mais pense que le gouvernement parviendra à rester à flot avec l'aide de
ses alliés russes et iraniens.
L'an passé, Téhéran a ainsi ouvert deux lignes de crédit pour un total
de 4,6 milliards de dollars afin que Damas finance des importations
d'énergie et de blé.
Pour le programme des Nations unies dirigé par Bassel Kaghadou, il
faudrait au moins une décennie pour reconstruire. Or des facteurs
majeurs vont compliquer ce processus, notamment l'"énorme perte en
capital humain" consécutive à la fuite de nombreux habitants et à
l'interruption forcée de l'éducation et la formation de toute une
génération.
Alors qu'un règlement du conflit semble encore loin, M. Kaghadou n'est
guère optimiste: "Chaque jour qui passe complique les choses".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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