Des civils syriens jetés sur les routes par les combats, le 4 mars 2017 à Kharufiya, près de Minbej (Afp)
Sous un noueux olivier pour se protéger du vent, Joumana et ses deux
enfants font partie des dizaines de milliers de Syriens jetés sur les
routes du nord du pays à cause de la guerre.
Cette femme de 25 ans mélange riz et boulghour dans un pot d'argile, qui
cuit à petit feu grâce à de fines branches d'olivier à la périphérie de
Kharufiya, un village de la province septentrionale d'Alep.
"Nous avons quitté nos maisons les mains vides, sans fioul, sans pain. Nos enfants sont affamés", raconte-t-elle à l'AFP.
Au moins 30.000 civils ont fui les combats qui accompagnent depuis une
semaine l'avancée de l'armée de Bashar soutenue par l'allié russe face à Daesh dans la province d'Alep,
selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).
Beaucoup ont fait route vers Minbej, une ville aux mains de l'alliance
kurdo-arabe des Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenue par une
coalition menée par les États-Unis.
Comme les combats se rapprochaient, Joumana et 20 membres de sa famille
ont quitté leur village tenu par les terroristes et marché près de 30 km
pour atteindre Kharoufiya.
"Daesh nous bombardait, des avions nous
visaient. Nos enfants étaient terrifiés. On a eu du mal à fuir",
raconte-t-elle.
Bien qu'elle ait échappé à la mort, les ennuis de Joumana sont loin d'être finis.
"Ils (les enfants) sont toujours effrayés quand ils entendent le bruit
des avions (...) Il fait (...) froid et quand il va pleuvoir, nous
allons souffrir", dit-elle.
Des dizaines de familles ont trouvé refuge autour de Kharufiya, situé à 18 km de Minbej au milieu d'un flot de déplacés.
Le journaliste de l'AFP a vu des volontaires appartenant à des organisations locales distribuant des vêtements d'hiver.
Mais beaucoup de familles se retrouvent sans tentes, ni matelas, ni
couvertures. Elles se blottissent sous les arbres pour se réchauffer et
rester au sec malgré le temps peu clément.
Trad al-Mazyad a été forcé de fuir avec sa famille de Joub Abyad, un
village à 45 km au sud de Minbej, où "Daech était caché parmi nous.
C'était insupportable".
"Notre situation est vraiment terrible, car ce n'est pas vraiment un
abri", déplore M. Mazyad en montrant la modeste tente qu'il partage avec
une autre famille.
Ses enfants sont collés à lui, leurs pieds maculés de boue à cause du sol humide autour de la tente.
"Comme vous pouvez le voir, cette tente nous sert de cuisine, de salle de bain, de tout en même temps", dit-il.
A quelques mètres de lui, Ahlam Mohammad est allongé sur le sol dans une
autre tente avec sa fillette. Un foulard cache une partie de son visage
mais on peut voir qu'elle est épuisée.
Elle et ses trois filles ont quitté leur village tenu par Daesh il y a
deux jours, empruntant des collines pour se retrouver en sécurité.
"Des gens ont été tués dans les combats et d'autres ont quitté en grand nombre le village", dit-elle.
Dans le chaos de la fuite, elle a perdu contact avec son mari. "Si mon
mari est en vie, je remercie Dieu. S'il est mort, qu'il repose en paix.
Que puis-je faire?" dit-elle résignée.
"Les gens veulent seulement vivre, ils désirent la stabilité. Parfois je
veux penser que tout ce que j'ai vu n'est qu'un cauchemar et que je
vais me réveiller", ajoute-t-elle.
Plus au nord, des dizaines de familles attendent à un point de contrôle des FDS d'être autorisées à entrer à Minbej.
Selon le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane, la situation risque de
se détériorer dans cette ville car la ville accueille déjà des
"dizaines de milliers de déplacés". "Cela va être difficile d'accueillir
cette nouvelle vague de déplacés", a-t-il ajouté.
Des hommes en civil et coiffés de casquettes marquées du drapeau américain distribuent des rations d'aide humanitaire.
"C'est une aide des Etats-Unis. Il y a des habits pour les enfants", dit l'un d'eux, accompagné d'un traducteur.
"Il n'y a pas grand chose mais c'est tout ce que nous avons pour le moment".
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