Le Premier ministre islamiste marocain, Abdelilah Benkirane, le 22 octobre 2016 à Salé, au Maroc (Afp)
Après cinq mois de négociations infructueuses, le Premier ministre
islamiste marocain, Abdelilah Benkirane, a été remercié mercredi soir
sur décision du roi Mohammed VI, qui nommera dans les prochains jours
une personnalité politique issue du même parti.
La situation est inédite dans l'histoire récente du Maroc: cinq mois
sans gouvernement, et le remplacement du Premier ministre désigné pour
"dépasser la situation d'immobilisme actuelle", selon un communiqué
rendu public mercredi soir par le cabinet royal.
A la tête du gouvernement depuis 2011 et la victoire historique de sa
formation islamiste, dans le sillage des "printemps arabes", le
secrétaire général du Parti justice et développement (PJD) avait été
reconduit dans ses fonctions par le roi au lendemain du scrutin
législatif du 7 octobre 2016, remporté une nouvelle fois par le PJD.
Mais cette fois il n'est pas parvenu à former une majorité, malgré cinq mois d'intenses et interminables tractations.
M. Benkirane proposait de reconduire la coalition sortante, une alliance
hétéroclite de quatre formations rassemblant islamistes, libéraux et
ex-communistes. Mais il a dû faire face à l'opposition de l'ex-ministre
de l'Agriculture, Aziz Akhannouch, nouveau patron du Rassemblement
national des Indépendants (RNI), un parti constitué de technocrates et
de notables, qui exigeait l'entrée au gouvernement de deux autres
formations alliées, et la mise à l'écart du parti de l'Istiqlal.
M. Akhannouch, l'une des plus grosses fortunes du continent, que l'on
voit souvent aux côtés du roi dans ses voyages officiels, est parvenu à
constituer autour de lui une alliance de petits partis lui permettant de
tenir tête à Benkirane. Et de se poser comme un nouveau poids lourd de
la politique locale et de l'opposition aux islamistes.
De fait, la relation entre les deux hommes a vite tourné au bras de fer, plongeant le pays dans une situation d'impasse inédite.
Le roi a "exhorté à plusieurs reprises M. Benkirane à accélérer la
formation du nouveau gouvernement", a rappelé mercredi soir le cabinet
royal. Mais, de retour en début de semaine d'une longue tournée
africaine, le souverain a constaté que les consultations "n'avaient pas
abouti", sans aucune perspective d'un prochain déblocage.
Ces derniers jours, alors que le retour du roi au Maroc était annoncé
comme imminent, des médias marocains spéculaient déjà sur le départ de
M. Benkirane, avec sa démission ou son remplacement sur décision du roi.
Et la presse locale rappelait que selon la Constitution, le souverain
doit désigner le chef du gouvernement au sein du parti arrivé en tête
des élections législatives.
C'est ce qui va se passer puisque, selon le cabinet royal, le roi
"recevra dans le délai le plus proche" une personnalité politique du PJD
et la "chargera de former le nouveau gouvernement". Le roi a opté pour
cette décision "dans le souci permanent de consolider le choix
démocratique" et d'en "préserver les acquis", précise ce communiqué.
"Cette décision, où le PJD islamiste garde la main sur la formation de
la future majorité, montre que le souverain souhaite conforter la
logique démocratique", a assuré à l'AFP un haut responsable marocain.
Sur le site internet du PJD, M. Benkirane a appelé mercredi soir tous
les militants de son parti à ne pas commenter le communiqué du cabinet
royal.
Mercredi soir, la presse marocaine avançait déjà trois noms comme
éventuel remplaçant du Premier ministre sortant: Salaheddine El-Othamni,
Mustafa Ramid et Aziz Rabah, respectivement N.2 du parti islamiste,
ministre sortant de la Justice et ancien ministre de l'Equipement.
Traditionnellement au Maroc, les lignes idéologiques des partis comptent
peu ou pas dans la formation des coalitions, qui travaillent sous la
tutelle du roi, chef d'Etat au-dessus des partis, lequel garde la haute
main sur la diplomatie, la sécurité ou les secteurs clés de l'économie.
C'est la première fois dans son histoire récente que le pays a été aussi
longtemps sans gouvernement, même si cette situation n'a eu jusqu'à
présent que peu d'impact sur la vie des institutions et le quotidien des
Marocains.
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