dimanche 2 novembre 2014

Tunisie - Législatives : la classe politique dans l'attente

La Tunisie attend lundi les premiers résultats des élections législatives, un scrutin crucial pour ce pays souvent présenté comme une lueur d'espoir dans une région tourmentée. L'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) pourrait annoncer de premiers résultats partiels dans la journée, mais elle a jusqu'au 30 octobre pour prononcer son verdict définitif. À l'issue du scrutin de dimanche, le principal parti séculier de Tunisie, Nidaa Tounès, s'est déclaré optimiste. "Nous avons des indicateurs positifs selon lesquels Nidaa Tounès pourrait être en tête", a dit à la presse son chef, Beji Caïd Essebsi. "Nous ne pouvons parler des résultats de ces élections qu'une fois qu'ils seront annoncés officiellement", a-t-il néanmoins ajouté.
Nidaa Tounès est une formation hétéroclite qui rassemble aussi bien d'anciens opposants au président déchu Zine El-Abidine Ben Ali que des caciques de son régime. Le parti islamiste Ennahda, l'autre favori du scrutin, au pouvoir de fin 2011 à début 2014, n'a pas voulu s'avancer, excluant de "donner des prévisions de résultats" et appelant "la classe politique à la patience". Mais, le mode de scrutin - la proportionnelle au plus fort reste - favorisant les petites formations, les principales forces politiques ont d'ores et déjà souligné qu'aucun parti n'aurait de majorité pour gouverner seul. L'ISIE a annoncé un taux de participation encore provisoire de 61,8 %, soit un peu plus de trois millions d'électeurs à travers le pays. Quelque 4,3 millions de Tunisiens avaient voté lors de l'élection de l'Assemblée constituante en 2011, remportée par Ennahda.
Le scrutin de dimanche est crucial, car il doit permettre à la Tunisie de se doter d'institutions pérennes près de quatre ans après le soulèvement qui donna le coup d'envoi au Printemps arabe. Nombre d'observateurs prévoyaient une abstention importante compte tenu de l'ampleur des espoirs déçus en Tunisie. Le pays souffre toujours de profondes difficultés économiques et sociales, facteurs-clés de la révolution qui chassa le président Ben Ali en janvier 2011. La Tunisie a aussi traversé une profonde crise politique en 2013, notamment en raison de l'essor depuis 2011 de groupes djihadistes responsables, selon les autorités, de la mort de dizaines de policiers et de militaires ainsi que de deux opposants à Ennahda.
L'ensemble de la classe politique a d'ailleurs axé la campagne sur deux grands thèmes : la sécurité et l'économie. Dimanche, dans les bureaux de vote, l'ambiance a néanmoins été au beau fixe, les électeurs se félicitant les uns les autres après avoir glissé un bulletin dans l'urne et trempé leur index gauche dans de l'encre indélébile. "C'est par devoir que je suis venue voter et non par conviction dans les listes en lice", a toutefois admis Safa Helali, une enseignante de 27 ans, reflétant la méfiance de nombreux Tunisiens envers les partis politiques.
Malgré les craintes de troubles, notamment d'attaques djihadistes, le vote s'est déroulé sans incident majeur. Les autorités avaient déployé 80 000 policiers et soldats pour assurer la sécurité de ces élections qui doivent désigner les 217 députés tunisiens pour les cinq ans à venir. Une élection présidentielle, la première depuis la révolution, est prévue le 23 novembre. Le Premier ministre Mehdi Jomaa a salué une "journée historique" et "une lueur d'espoir" dans la région, les autres pays du Printemps arabe étant pour l'essentiel plongés dans le chaos ou dans la répression. Pour la mission d'observation de l'Union européenne, le processus électoral s'est dans l'ensemble déroulé de manière "plus que satisfaisante".
À Washington, le président américain Barack Obama a félicité les Tunisiens pour cette "étape importante dans la transition politique historique de la Tunisie". "En déposant leurs bulletins dans les urnes aujourd'hui, les Tunisiens continuent d'inspirer les gens dans leur région et dans le monde, comme ils l'ont fait pendant la révolution de 2011 et avec l'adoption d'une nouvelle Constitution cette année", a déclaré le président américain. Les États-Unis, a dit Barack Obama, sont engagés à "soutenir la démocratie en Tunisie" et à "établir un partenariat avec le prochain gouvernement pour promouvoir les opportunités économiques, protéger la liberté et assurer la sécurité de tous les Tunisiens".
Ennahda, qui a dû quitter le pouvoir début 2014 à l'issue d'une année 2013 marquée par les crises, dit vouloir former un cabinet consensuel, assurant même être prêt à une alliance de circonstance avec Nidaa Tounès. Le grand parti séculier, qui se pose en unique alternative à Ennahda et le qualifie régulièrement de parti obscurantiste, prévoit en cas de victoire de former une coalition avec des formations idéologiquement proches. Mais il n'a pas non plus exclu de collaborer avec les islamistes.


(27-10-2014)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire