La Tunisie attend lundi les premiers résultats des élections
législatives, un scrutin crucial pour ce pays souvent présenté comme une
lueur d'espoir dans une région tourmentée. L'Instance supérieure
indépendante pour les élections (ISIE) pourrait annoncer de premiers
résultats partiels dans la journée, mais elle a jusqu'au 30 octobre pour
prononcer son verdict définitif. À l'issue du scrutin de dimanche, le
principal parti séculier de Tunisie, Nidaa Tounès, s'est déclaré
optimiste. "Nous avons des indicateurs positifs selon lesquels Nidaa
Tounès pourrait être en tête", a dit à la presse son chef, Beji Caïd
Essebsi. "Nous ne pouvons parler des résultats de ces élections qu'une
fois qu'ils seront annoncés officiellement", a-t-il néanmoins ajouté.
Nidaa Tounès est une formation hétéroclite qui rassemble aussi bien
d'anciens opposants au président déchu Zine El-Abidine Ben Ali que des
caciques de son régime. Le parti islamiste Ennahda, l'autre favori du
scrutin, au pouvoir de fin 2011 à début 2014, n'a pas voulu s'avancer,
excluant de "donner des prévisions de résultats" et appelant "la classe
politique à la patience". Mais, le mode de scrutin - la proportionnelle
au plus fort reste - favorisant les petites formations, les principales
forces politiques ont d'ores et déjà souligné qu'aucun parti n'aurait de
majorité pour gouverner seul. L'ISIE a annoncé un taux de participation
encore provisoire de 61,8 %, soit un peu plus de trois millions
d'électeurs à travers le pays. Quelque 4,3 millions de Tunisiens avaient
voté lors de l'élection de l'Assemblée constituante en 2011, remportée
par Ennahda.
Le scrutin de dimanche est crucial, car il doit permettre à la Tunisie
de se doter d'institutions pérennes près de quatre ans après le
soulèvement qui donna le coup d'envoi au Printemps arabe. Nombre
d'observateurs prévoyaient une abstention importante compte tenu de
l'ampleur des espoirs déçus en Tunisie. Le pays souffre toujours de
profondes difficultés économiques et sociales, facteurs-clés de la
révolution qui chassa le président Ben Ali en janvier 2011. La Tunisie a
aussi traversé une profonde crise politique en 2013, notamment en
raison de l'essor depuis 2011 de groupes djihadistes responsables, selon
les autorités, de la mort de dizaines de policiers et de militaires
ainsi que de deux opposants à Ennahda.
L'ensemble de la classe politique a d'ailleurs axé la campagne sur deux
grands thèmes : la sécurité et l'économie. Dimanche, dans les bureaux de
vote, l'ambiance a néanmoins été au beau fixe, les électeurs se
félicitant les uns les autres après avoir glissé un bulletin dans l'urne
et trempé leur index gauche dans de l'encre indélébile. "C'est par
devoir que je suis venue voter et non par conviction dans les listes en
lice", a toutefois admis Safa Helali, une enseignante de 27 ans,
reflétant la méfiance de nombreux Tunisiens envers les partis
politiques.
Malgré les craintes de troubles, notamment d'attaques djihadistes, le
vote s'est déroulé sans incident majeur. Les autorités avaient déployé
80 000 policiers et soldats pour assurer la sécurité de ces élections
qui doivent désigner les 217 députés tunisiens pour les cinq ans à
venir. Une élection présidentielle, la première depuis la révolution,
est prévue le 23 novembre. Le Premier ministre Mehdi Jomaa a salué une
"journée historique" et "une lueur d'espoir" dans la région, les autres
pays du Printemps arabe étant pour l'essentiel plongés dans le chaos ou
dans la répression. Pour la mission d'observation de l'Union européenne,
le processus électoral s'est dans l'ensemble déroulé de manière "plus
que satisfaisante".
À Washington, le président américain Barack Obama a félicité les
Tunisiens pour cette "étape importante dans la transition politique
historique de la Tunisie". "En déposant leurs bulletins dans les urnes
aujourd'hui, les Tunisiens continuent d'inspirer les gens dans leur
région et dans le monde, comme ils l'ont fait pendant la révolution de
2011 et avec l'adoption d'une nouvelle Constitution cette année", a
déclaré le président américain. Les États-Unis, a dit Barack Obama, sont
engagés à "soutenir la démocratie en Tunisie" et à "établir un
partenariat avec le prochain gouvernement pour promouvoir les
opportunités économiques, protéger la liberté et assurer la sécurité de
tous les Tunisiens".
Ennahda, qui a dû quitter le pouvoir début 2014 à l'issue d'une année
2013 marquée par les crises, dit vouloir former un cabinet consensuel,
assurant même être prêt à une alliance de circonstance avec Nidaa
Tounès. Le grand parti séculier, qui se pose en unique alternative à
Ennahda et le qualifie régulièrement de parti obscurantiste, prévoit en
cas de victoire de former une coalition avec des formations
idéologiquement proches. Mais il n'a pas non plus exclu de collaborer
avec les islamistes.
(27-10-2014)
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