De prime abord, le reportage de France 2 à Alep diffusé dimanche soir a
comme un air de déjà-vu. Carcasses d'immeubles éventrés, slalom de
combattants entre les décombres pour échapper aux rafales d'armes
automatiques, ou encore fente creusée dans un mur pour mieux viser, puis
abattre ses adversaires, le document intitulé "Au coeur de la bataille
d'Alep" ne semble guère différer de toutes ces plongées au sein de la
rébellion syrienne proposées depuis maintenant deux ans à la télévision.
Jusqu'à ce que l'un des soldats annonce à la caméra : "Entre nous et
les rebelles, ici, il n'y a même pas dix mètres de distance."
Vous l'aurez compris, les combattants qui accueillent l'équipe de France
2 ne sont pas des opposants syriens, mais des membres de l'armée de
Bachar el-Assad témoignant de leur reconquête de la seconde ville de
Syrie. Une première en France, dans cette cité ravagée par deux ans de
combats sanglants entre régime et opposition, et le dernier signe que le
vent a tourné sur la révolution syrienne. En effet, en dépit de leurs
dénégations répétées, les États-Unis, en s'engageant dans une guerre
contre l'organisation État islamique (EI), ont bel et bien renforcé le
président syrien. Et tué ses opposants.
Comme un symbole, pendant que l'aviation américaine multiplie les
frappes contre les positions djihadistes à Kobané, son homologue
syrienne a tout loisir de pilonner massivement les derniers territoires
tenus par la rébellion. Alep, Idleb, Hama, Quneïtra, Damas ou encore
Deraa, aucune province rebelle n'échappe aux bombardements de l'armée,
d'une ampleur inégalée depuis la semaine dernière. Missiles air-sol
lancés depuis des avions de chasse ou barils de TNT projetés par des
hélicoptères, les frappes n'épargnent pas les populations civiles. Une
punition collective qui a encore fait au moins 43 morts civils dimanche,
dont 13 enfants, dans les provinces de Homs et de Deraa.
Pendant que l'attention de la communauté internationale reste focalisée
sur le martyre de Kobané, le rouleau compresseur du régime fond en toute
impunité sur les dernières poches de résistance. Après avoir réussi au
printemps dernier à reconquérir l'ouest du pays, coupant la rébellion du
Liban où elle s'approvisionnait, Bachar el-Assad est sur le point de
reproduire le même coup de force à Alep (Nord-Ouest). En effet, si le
régime syrien parvenait à encercler l'ex-poumon économique du pays, il
priverait la rébellion de ses ravitaillements depuis la Turquie. Et
sonnerait par là même son arrêt de mort.
Les États-Unis ont beau rappeler que le départ de Bachar el-Assad est
inéluctable, et entraîner pour se faire des opposants "modérés" en
Jordanie, ils restent totalement sourds à l'appel des rebelles réclamant
à la coalition de bombarder de toute urgence les positions du régime.
Au contraire, Washington ne fait qu'affaiblir l'opposition syrienne en
frappant les djihadistes du Front Al-Nosra (al-Qaida en Syrie), la
branche la plus radicale mais aussi la mieux armée de la rébellion, dans
cette même région d'Alep.
Entièrement livrés à leur sort, les rebelles demeurent aujourd'hui pris
en étau entre deux forces autrement plus armées qu'eux : les soldats de
Bachar el-Assad et les djihadistes de l'État islamique. Vous comprendrez
aisément pourquoi le président syrien ne pipe mot face aux
bombardements américains menés depuis un mois sur son propre territoire,
en dépit de l'illégalité totale d'une telle opération.
(27-10-2014 - Armin Arefi)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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