La police applique depuis jeudi la "tolérance zéro" à Jérusalem après
l'attentat qui a tué un bébé de trois mois et qui fait craindre que les
tensions grandissantes ne dégénèrent en embrasement général à
Jérusalem-Est, la partie palestinienne occupée et annexée par Israël de
la ville. La mort de Haya-Zissel Braun, tuée mercredi soir quand un
jeune Palestinien a lancé sa voiture sur un groupe à un arrêt de
tramway, a provoqué les appels punitifs de la droite israélienne.
"Satan lui-même n'a pas conçu de vengeance suffisante pour celui qui
répand le sang d'un bébé de trois mois", a ainsi déclaré le ministre de
l'Économie Naftali Bennett, leader du Foyer juif, parti nationaliste
religieux, citant le poète israélien Nahman Bialik comme il est souvent
de circonstance devant de tels actes.
L'auteur des faits, Abdelrahman Shalodi, Palestinien de 21 ans, n'aura
pas à rendre de comptes. Stoppé par un policier qui a ouvert le feu sur
lui alors qu'il tentait de prendre la fuite à pied selon la police, il a
succombé jeudi matin à ses blessures, a indiqué une porte-parole de
l'hôpital Shaarei Tsedek. Six autres personnes ont été blessées.
Le geste du jeune Palestinien est un nouveau point d'orgue dans les
troubles qui agitent depuis des mois Jérusalem-Est. Des heurts opposent
quasiment tous les soirs Palestiniens et policiers israéliens, dans
différents quartiers comme Silwan, Chouafat, Essaouiya, Wadi Joz, ainsi
que la vieille ville. Certains parlent d'"intifada silencieuse" ou
d'intifada municipale", en référence aux deux soulèvements de 1987-1993
et de 2000-2005, certes beaucoup plus longs, beaucoup plus étendus et
beaucoup plus meurtriers.
L'attaque de mercredi a poussé le Premier ministre Benyamin Netanyahou à
appliquer sans plus attendre un plan de sécurité renforcé déjà annoncé
antérieurement devant la multiplication des incidents. La police de
Jérusalem a prévenu qu'elle mènerait une politique de "tolérance zéro
face à toute violence et (arrêterait) toute personne impliquée dans des
troubles à l'ordre public". Des renforts de gardes-frontières, d'unités
antiémeutes et de patrouilles mobiles ont été déployés, a dit à l'AFP un
porte-parole de la police, Micky Rosenfeld. Des moyens technologiques
supplémentaires, pour la collecte du renseignement par exemple, sont
mobilisés, a-t-il dit.
Des heurts se sont produits jusque tard dans la soirée dans plusieurs
secteurs de Jérusalem, avec pour épicentre Silwan, le quartier populaire
et agité d'où venait Abdelrahman Shalodi. L'intervention des policiers
venus arrêter un jeune frère d'Abdelrahman Shalodi a provoqué un accès
de fièvre, a indiqué la famille. Dans la matinée, des individus ont
lancé des pierres contre un jardin d'enfants de colons israéliens dans
le quartier palestinien de Ras al-Amoud, a rapporté la police.
Cette dernière a fait état de quelques arrestations dans la nuit, sans
plus de précision. L'armée israélienne, de son côté, a indiqué avoir
arrêté dans la nuit en Cisjordanie 17 Palestiniens, dont certains
membres du Hamas. Le gouvernement israélien a décrit Abdelrahman Shalodi
comme un membre du mouvement islamiste qu'Israël considère comme
terroriste et auquel il vient de faire la guerre dans la Bande de Gaza.
Mais on ignore si les arrestations de la nuit en Cisjordanie sont liées à
l'attentat de la veille.
Au même moment, des centaines de juifs se sont rassemblés dans la
douleur pour les funérailles de la fillette de trois mois, projetée de
sa poussette à plusieurs mètres quand elle a été percutée par la voiture
bélier d'Abdelrahman Shalodi. Ses parents venaient de la photographier
pour la première fois devant le mur des Lamentations, a raconté son
grand-père.
Le président Reuven Rivlin, qui a assisté à la cérémonie, a peu
auparavant exprimé la crainte d'une flambée de violence, dont les
dirigeants arabes devraient supporter leur part de responsabilité selon
lui. "Les incitations croissantes à la haine dans les rues du monde
arabe et les rues de Jérusalem, que des dirigeants du monde arabe
soutiennent malheureusement, sont susceptibles de détruire l'équilibre
fragile en place à Jérusalem et de nous emporter tous dans un maelström
de destruction et de douleur", a-t-il dit.
Le Premier ministre a quant à lui accusé le président palestinien
Mahmud Abbas d'avoir participé à échauffer les esprits par de récentes
déclarations à propos de l'esplanade des Mosquées. Le site
ultra-sensible, vénéré à la fois par les juifs et les musulmans, n'a pas
échappé à l'agitation des derniers mois.
Le corps d'Abdelrahman Shalodi, quant à lui, était toujours jeudi matin
entre les mains israéliennes, a indiqué le centre d'information de Wadi
Haloueh, une association palestinienne locale. On ignore quand il sera
enterré.
(23-10-2014)
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