L'Egypte a décrété vendredi un état d'urgence de trois mois sur une
partie de la péninsule du Sinaï, quelques heures après qu'un kamikaze a
tué 30 soldats en précipitant sa voiture bourrée d'explosifs sur un
barrage de l'armée situé dans la région.
Il s'agit de l'attaque la plus meurtrière visant les forces de l'ordre
depuis que l'armée a destitué en juillet 2013 le président islamiste
Mohamed Morsi. Depuis plus d'un an, l'Egypte est le théâtre d'attentats
visant policiers et soldats, revendiqués principalement par des groupes
jihadistes qui disent agir en représailles à la sanglante répression que
le nouveau pouvoir mène contre les partisans de M. Morsi depuis sa
destitution.
Vendredi dans la matinée, le kamikaze a lancé sa voiture chargée
d'explosifs sur le barrage militaire situé au nord-ouest d'Al-Arich, le
chef-lieu de la province du Nord-Sinaï, selon des responsables des
forces de l'ordre s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.
L'attaque a tué au moins 30 soldats et fait 29 blessés, d'après des
responsables médicaux, qui ont précisé que parmi les blessés se
trouvaient un haut responsable de l'armée et cinq officiers.
Le
président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a promulgué après cet attentat
un état d'urgence de trois mois sur une partie du nord et du centre de
la péninsule du Sinaï, dans un périmètre allant de la ville de Rafah,
sur la frontière avec la bande de Gaza palestinienne, jusqu'à l'ouest
d'Al-Arich, selon un communiqué de la présidence.
"L'armée et la police prendront toutes les mesures nécessaires pour
faire face aux dangers du terrorisme et à son financement, préserver la
sécurité dans la région (...) et protéger les vies des citoyens", selon
le décret présidentiel qui prévoit également un couvre-feu.
M. Sissi, qui a annoncé un deuil national de trois jours, a décidé de
tenir samedi une réunion avec le haut commandement de l'armée pour
"prendre des mesures d'urgences sur le terrain".
L'Egypte a décidé de fermer dès samedi et jusqu'à nouvel ordre le
terminal frontalier de Rafah, l'unique point de passage vers Gaza qui
n'est pas contrôlé par Israël.
L'Union européenne et les Etats-Unis ont condamné l'attentat de
vendredi. Les autorités américaines "soutiennent les efforts du
gouvernement égyptien pour contrer la menace terroriste dans le pays", a
déclaré Washington.
En juillet, 22 soldats avaient été tués dans une attaque contre un poste
de contrôle militaire dans l'ouest de l'Egypte, près de la frontière
avec la Libye. Et en août 2013, peu après l'éviction de M. Morsi, 25
policiers avaient péri dans le Sinaï lorsque des hommes armés avaient
tiré à la roquette et à l'arme automatique sur deux minibus de la police
se dirigeant vers la ville de Rafah.
Dans un incident séparé vendredi, des hommes armés ont tué un officier
et blessé un soldat à un barrage au sud d'Al-Arich, selon des
responsables.
D'abord cantonnées au nord du Sinaï, les attaques jihadistes ont ensuite gagné le delta du Nil et la capitale.
Mercredi, au moins six policiers et trois passants avaient déjà été
blessés par l'explosion d'une bombe près de l'université du Caire.
Ansar
Beït al-Maqdess (Les Partisans de Jérusalem, en arabe), un groupe
jihadiste basé dans le nord du Sinaï, a revendiqué la plupart des
attentats visant les forces de sécurité depuis l'été 2013. Ce groupe a
récemment exprimé son "soutien" à l'organisation Etat islamique (EI),
qui s'est emparée de larges territoires en Irak et en Syrie.
Il dit agir en représailles à la sanglante répression anti-islamiste menée par les autorités.
Depuis la destitution du président islamiste, plus de 1.400 de ses
partisans ont été tués, notamment lors de la répression de
manifestations. Des centaines de pro-Morsi ont été condamnés à mort ou à
de très lourdes peines dans des procès de masse expédiés en quelques
minutes --qualifiés par l'ONU de "sans précédent dans l'histoire
récente" du monde--, tandis que 15.000 autres ont été emprisonnés.
Le gouvernement justifie sa répression en accusant la confrérie des
Frères musulmans, dont est issu M. Morsi, d'être derrière les attaques,
ce que le groupe dément.
L'organisation vieille de plus de 80 ans, qui avait largement remporté
toutes les élections organisées après la révolution de 2011, a été
déclarée "terroriste" après un attentat pourtant revendiqué par Ansar
Beït al-Maqdess.
(25-10-2014)
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