Le principal groupe d'opposition chiite à Bahreïn, royaume du Golfe
dirigé par une dynastie sunnite, a été interdit d'activité mardi pendant
trois mois, une mesure qui risque de tendre le climat politique avant
les élections générales du 22 novembre.
Cette décision de justice touchant le mouvement Al-Wefaq intervient
alors que l'impasse est totale dans ce pays à majorité chiite, où
l'opposition réclame une monarchie constitutionnelle depuis le début
d'un mouvement de contestation en février 2011, dans le sillage du
Printemps arabe.
Al-Wefaq a décidé de boycotter les législatives, estimant que deux
sessions de discussions avec le pouvoir n'avaient pas fait progresser
ses demandes et que la famille royale des Al-Khalifa refusait toute
concession qui réduirait ses prérogatives.
Le mouvement d'opposition est accusé par les autorités de fomenter des
troubles sporadiques, ce qu'il nie en insistant sur le "caractère
pacifique" des manifestations qu'il organise.
La décision de justice est tombée également au moment où les fidèles
célébraient le deuil de l'Achoura, la plus importante des fêtes
religieuses chiites qui mêle habituellement à Bahreïn slogans religieux
et politiques.
La tension est aussi palpable dans cette période de pré-campagne
électorale, marquée par des actes de violences. Les autorités ont accusé
des militants de multiplier les actes d'intimidation contre certains
candidats et ont proposé de les protéger.
Le tribunal administratif de Manama, saisi en juillet par le ministère
de la Justice, a reproché à Al-Wefaq de violer la loi sur les
associations et lui a donné trois mois pour "se conformer", selon une
source judiciaire.
Le principal grief formulé par le ministère dans son recours est que le
groupe a tenu, selon lui, des assemblées générales sans quorum et sans
transparence.
Cette réglementation régit les activités de mouvements comme Al-Wefaq,
la loi bahreïnie ne reconnaissant pas explicitement le droit de fonder
des partis politiques proprement dits.
Al-Wefaq a aussitôt réagi, en qualifiant la décision du tribunal d'"irrationnelle et d'irresponsable".
Il a accusé le pouvoir de contrôler le pays d'une "main de fer" et de vouloir ainsi "détruire la vie politique" à Bahreïn.
Le mouvement a assuré, dans un communiqué, qu'il continuerait à réclamer
"la démocratie et un Etat mettant fin au totalitarisme et à
l'exclusion".
Depuis le début du mouvement de contestation, Al-Wefaq estime être
continuellement harcelé par les autorités et ses partisans traînés
devant la justice pour des raisons politiques.
Son chef, cheikh Ali Salmane, et son adjoint, Khalil Marzouk, ont été
accusés le 10 juillet par la justice d'avoir "violé la loi" en
rencontrant un haut responsable américain en visite à Manama.
Selon
les autorités, MM. Salmane et Marzouq n'ont pas informé les autorités
de cette rencontre "au moins trois jours" avant qu'elle n'ait eu lieu,
comme l'exige la loi.
S'agissant des prochaines élections, Al-Wefaq a dénoncé un scrutin qui "consolide le pouvoir autoritaire" des Al-Khalifa.
Des élections municipales sont prévues le 22 novembre, en même temps que
les législatives, qui constitueront le premier rendez-vous électoral à
Bahreïn depuis octobre 2010.
L'opposition avait retiré en mai 2011 ses 18 députés du Parlement de 40
sièges pour protester contre la "répression" de ses partisans par les
forces de sécurité.
Les autorités ont proposé en septembre de relancer le dialogue en vue de sortir le royaume de la crise.
Mais l'offre a été fraîchement accueillie par Al-Wefaq. Son chef a
déploré le refus de créer une commission indépendante pour les
élections, le maintien d'un Conseil consultatif désigné, siégeant aux
côtés du Parlement élu, et la désignation du Premier ministre par le
roi.
La décision des autorités risque de "conduire à plus de friction et
d'instabilité, alors que le pays se prépare à des élections
parlementaires", a averti l'organisation Human Rights First.
"Prise à moins de quatre semaines des élections parlementaires, la
décision de suspendre Al-Wefaq ne peut être une simple coïncidence", a
souligné Brian Dooley, directeur de programme à Human Rights First.
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