Le jeune vendeur à la sauvette qui, désespéré par ses conditions de vie,
s’était immolé, est décédé mercredi à l’aube, dernière illustration en
date des tensions sociales en Tunisie auxquelles le nouveau gouvernement
devra faire face une fois investi. "Il est mort aujourd’hui à 5 h 30 du
matin des suites de ses graves brûlures", a dit Imed Touibi, le
directeur du Centre des grands brûlés de Ben Arous (banlieue de Tunis)
où le jeune homme de 27 ans, Adel Khadri, était hospitalisé.
Ce marchand ambulant de cigarettes s’était immolé la veille sur l’avenue
Habib Bourguiba, en plein centre de Tunis, en hurlant "voilà la
jeunesse qui vend des cigarettes, voilà le chômage". Ce geste est
hautement symbolique en Tunisie où la révolution de janvier 2011, la
première du Printemps arabe, avait été déclenchée par l’immolation d’un
vendeur ambulant excédé par la misère et les brimades de policiers à
Sidi Bouzid (centre).
La pauvreté et le chômage étaient au coeur des causes du soulèvement qui
a renversé le régime de Zine el-Abidine Ben Ali. Or, deux ans après
l’économie tunisienne est toujours anémique et le pays est paralysé par
une interminable crise politique et institutionnelle. Un nouveau
gouvernement, dirigé par l’islamiste Ali Larayedh, doit obtenir mercredi
la confiance des députés lors d’une deuxième séance à l’Assemblée
nationale constituante (ANC) consacrée à ce cabinet et qui a commencé
vers 10 heures.
Ali Larayedh, du parti islamiste Ennahda, principale force politique du
pays, a assuré mardi qu’il comptait achever sa mission avant la fin de
l’année en mettant un terme à l’impasse politique et en assurant les
conditions pour une reprise économique. Il s’est fixé comme priorités de
"réussir l’organisation des élections dans les plus brefs délais",
d’"instaurer la sécurité", le pays étant déstabilisé par l’essor d’un
islamisme armé et la multiplication des conflits sociaux, et de
"continuer de relever l’économie, l’emploi et de lutter contre la hausse
des prix".
La vie politique tunisienne est paralysée par l’absence de compromis sur
le futur régime qui bloque la rédaction de la Constitution, la tenue
d’élections et la mise en place d’institutions stables deux ans après la
révolution de janvier 2011. La stabilité du pays est aussi menacée par
des tensions sociales grandissantes, manifestations, grèves et
affrontements se multipliant face au niveau élevé du chômage (17 %
environ) et la misère, deux facteurs clés du soulèvement qui a renversé
Zine el-Abidine Ben Ali.
L’essor de groupuscules islamistes radicaux est un autre défi auquel Ali
Larayedh devra faire face, alors que son prédécesseur Hamadi Jebali a
démissionné dans la foulée d’une crise politique provoquée par
l’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd le 6 février par un groupe
salafiste présumé, selon la police. Or, Ali Larayedh, ministre sortant
de l’Intérieur, est très critiqué pour son bilan mitigé à ce poste, ses
quatorze mois à la tête des forces de l’ordre ayant été marqués par
plusieurs attaques islamistes et la répression violente de mouvements
sociaux.
Ce cadre d’Ennahda a reconduit, après de longues négociations et faute
d’avoir trouvé un consensus plus large, la délicate coalition entre les
islamistes et deux partis laïques tout en l’élargissant à des
indépendants qui dirigeront notamment les ministères régaliens. Compte
tenu de la répartition des forces à l’ANC, cette équipe devrait obtenir
sans mal la confiance des députés. Mais cette majorité est divisée sur
la nature du régime à mettre en place en Tunisie, alors que l’adoption
de la Constitution suppose le soutien des deux tiers des élus.
Un calendrier a été soumis aux députés lundi, prévoyant l’adoption de la
loi fondamentale début juillet et des élections en octobre. Les élus ne
se sont pas encore prononcés sur le sujet, mais selon des observateurs
cet échéancier est peu réaliste, d’autant que les dates limites fixées
par le passé n’ont pas été respectées.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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