L’annonce française avait fait l’effet d’une bombe. La semaine
dernière, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius avait laissé
entendre que la France pourrait prendre la décision unilatérale de
livrer des armes à l’opposition. Avant d’arriver à une telle extrémité,
Paris allait demander d’avancer la prochaine réunion de l’Union
européenne sur cette brûlante question en vue de convaincre ses
partenaires réticents. C’est chose faite. Une réunion informelle a lieu à
partir de vendredi à Dublin entre les 27 ministres européens des
Affaires étrangères.
Pourtant, à la veille de cette rencontre capitale, la fermeté affichée
jeudi dernier en France a laissé place à une étonnante prudence. "Un
début de discussion va être enclenché à Dublin et va se poursuivre",
confie une source diplomatique proche du dossier. "Le but est de trouver
une solution qui puisse plaire aux 27 et nous avons deux mois pour ça."
En ligne de mire, la date fatidique du 1er juin prochain, où l’Union
européenne doit de nouveau statuer sur l’embargo sur les armes à
destination de la Syrie.
Décidée en mai 2011, peu après le début de la violente répression
exercée par les forces de Bachar el-Assad à l’encontre des manifestants
pacifiques, la mesure interdit la vente, la fourniture, le transfert et
l’exportation d’armes vers la Syrie, quel qu’en soit le destinataire
(régime ou opposition). L’embargo implique également le gel des avoirs
financiers des dirigeants syriens ainsi que l’interdiction de leurs
déplacements en Europe. Mais, face à l’urgence sur le terrain, les
Européens ont tout de même fait une exception en autorisant la livraison
à l’opposition armée de matériels uniquement non létaux (gilets
pare-balles, talkies-walkies, équipements de désamorçage de mines).
Une levée totale de l’embargo est-elle vraiment souhaitable ? "Ce serait
la solution la plus facile, mais elle serait politiquement
inacceptable", souligne la source diplomatique. "Notre politique est de
maintenir la pression sur le régime à tous les niveaux, y compris
financiers. Lever toutes les sanctions n’aurait aucun sens." Les 27
sembleraient aujourd’hui s’orienter davantage vers des négociations au
cas par cas, avec la possibilité, par exemple, d’établir des listes
d’armes à interdire ou à autoriser pour l’Armée syrienne libre.
"La juridiction européenne permet de faire preuve de créativité",
souligne la source diplomatique. "Il faut trouver une accroche, par
exemple l’idée d’établir une distinction entre les armes létales
défensives ou offensives." Mais, outre le fait qu’elle n’entre dans
aucune juridiction européenne, cette approche possède ses propres
limites. Dans quelle catégorie faudra-t-il ranger un fusil d’assaut ou
encore un missile antiaérien, une arme réclamée à tue-tête par
l’opposition pour faire face aux raids meurtriers des Mig syriens ?
Autre problème, l’opposition toujours vive au sein de l’UE de pays comme
l’Allemagne, l’Autriche ou les États scandinaves. "La réticence des
Américains en matière de transfert d’armes est très importante aux yeux
de nos partenaires européens", confie la source diplomatique. "Et la
situation actuelle en Libye où un tas d’armes ont été prélevées sur le
stock de Kadhafi [mais aussi livrées par la France, NDLR] incitent à la
prudence." Un blocage persistant à Bruxelles pourrait-il inciter Paris à
mettre à exécution sa menace d’outrepasser l’embargo ?
"Nous nous situons dans le cadre des 27, et nous prenons nos décisions à
27 : on s’interdit de faire cavalier seul", assure la source. En
attendant un hypothétique consensus européen, l’annonce-choc de la
semaine dernière semble davantage tenir de la guerre psychologique
contre Bachar el-Assad. Paris ne s’en défend pas d’ailleurs guère :
"Cela change assurément l’état d’esprit d’un régime qui pense que
l’Occident ne fait rien."
(21-03-2013 - Armin Arefi)
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