S’il ne s’agit pas officiellement de ségrégation raciale, cela en a
tout l’air. Le ministère israélien des Transports a annoncé dimanche la
création de nouvelles lignes de bus exclusivement réservées aux usagers
palestiniens travaillant dans l’État hébreu. La mesure concerne les
lignes partant du point de passage d’Eyal, situé près de la ville
palestinienne de Qalqilya, et qui rejoint la métropole de Tel-Aviv. Elle
touche toutes les populations arabes de Cisjordanie bénéficiant de
permis pour travailler quotidiennement dans l’État hébreu.
Officiellement, c’est le bien-être des Palestiniens qui est visé. "Le
plan vise à faciliter le déplacement des passagers palestiniens et à
leur offrir une solution face aux compagnies de bus pirates, qui leur
soutirent des prix exorbitants", explique dans un communiqué la
compagnie israélienne Afikim, qui gère les lignes de bus entre
Cisjordanie et Israël. D’après le ministère israélien des Transports,
des prix "spécialement bas" oscillant entre 1 et 2 euros leur seront
proposés, soit bien moins que les 8 euros que certains Palestiniens
doivent parfois débourser en empruntant des compagnies privées.
Outre l’amélioration du confort de vie des Palestiniens, la décision
vise aussi à désencombrer un réseau devenu surchargé pour les
utilisateurs juifs. Ainsi, une source ministérielle israélienne évoque
au quotidien populaire Yedioth Aharonoth le grand nombre de plaintes
déposées par des usagers israéliens mécontents à cause de la
surpopulation des bus qui force les chauffeurs à ne pas marquer l’arrêt
dans plusieurs stations. "Les nouvelles lignes vont réduire la charge
qui s’est formée sur le réseau de bus, résultat de l’augmentation du
nombre de permis de travail accordés aux Palestiniens", affirme le
communiqué ministériel.
D’après le quotidien israélien Haaretz, la décision résulte avant tout
des pressions exercées sur le gouvernement par les colons israéliens de
Cisjordanie. D’après ce journal, l’ancien maire de la colonie d’Ariel,
Ron Nahman, ainsi qu’un dirigeant local de la colonie de Karnei Shomron
se sont élevés en novembre dernier contre le risque sécuritaire posé par
la présence d’utilisateurs arabes dans les bus empruntés par les
colons. Le ministère israélien des Transports fait pour sa part état de
plusieurs incidents impliquant des passagers juifs et arabes dans les
cars en provenance de Cisjordanie. Quelque 520 000 Israéliens peuplent
aujourd’hui des colonies situées en territoires palestiniens, et
considérées comme illégales en vertu du droit international. Et
l’annonce en décembre dernier de la construction de nouvelles
"implantations" israéliennes en Cisjordanie va encore augmenter leur
nombre.
Si les explications gouvernementales sur le but des nouvelles lignes de
bus se veulent rassurantes, les précisions apportées par les conducteurs
de ces mêmes bus le sont beaucoup moins. Plusieurs d’entre eux
affirment auYedioth Aharonoth que les passagers palestiniens qui
refuseront d’emprunter les nouveaux "bus palestiniens" seront priés de
quitter les bus dits "mixtes". "À partir de cette semaine, des contrôles
seront menés aux checkpoints (point de contrôle), et il sera demandé
aux Palestiniens de prendre leur propre bus", affirme au quotidien
israélien un conducteur de la compagnie Afikim.
Côté gouvernemental, on assure pourtant qu’il est "interdit d’empêcher
tout passager d’embarquer à bord d’une ligne de transport publique" en
Israël. Le ministère des Transports ajoute que la création des nouvelles
"lignes palestiniennes", considérées comme "lignes de bus générales",
ont été portées à la connaissance des Palestiniens et ont en outre
bénéficié de leur "accord complet". Il est vrai que la nouvelle mesure
n’a été annoncée qu’en Cisjordanie. D’après le Yedioth Aharonoth, de
multiples flyers ont été distribués dans les villages palestiniens,
exhortant les usagers arabes à n’emprunter que les lignes qui leur sont
réservées.
Pour l’heure, la police israélienne opérant en Cisjordanie a annoncé le
déploiement de forces additionnelles de maintien de l’ordre au point de
passage d’Eyal. Interrogé par le Yedioth Aharonoth, des sources
policières ont confirmé que les usagers palestiniens refusant de monter à
bord des nouveaux bus ne seraient pas exclus, tout en ajoutant que
leurs forces "feront de leur mieux pour exécuter la décision
ministérielle". Le récent témoignage de la militante israélienne Ofra
Yeshua-Lyth, membre de l’ONG Machsom Watch et passagère du bus 286 entre
Tel-Aviv et la Cisjordanie, sonne comme un mauvais présage :
"L’officier de police, le sergent major Shai Zecharia, a arrêté le bus à
une station. Les soldats ont alors ordonné aux Palestiniens de
descendre", raconte-t-elle au quotidien Haaretz. "La première chose
qu’ils ont faite a été de collecter leurs cartes d’identité. Un par un,
les Palestiniens ont été sommés de quitter la station de bus et de
rejoindre à pied le point de contrôle Azzun Atma, qui se trouvait à 2,5
kilomètres de l’interconnexion Shaar Shomron." Pour seule explication,
l’officier de police leur a lancé : "Vous n’êtes pas autorisés (à
voyager) sur l’autoroute 5. Vous devriez voyager dans des vans spéciaux,
pas sur des bus israéliens."
(04-03-2013 - Armin Arefi)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire