« Nous devons dire la vérité au peuple et je suis là pour le faire. » Le
plus jeune chef de gouvernement que la Tunisie n'ait jamais eu n'a pas
mâché son diagnostic dans l'hémicycle du palais du Bardo. Avant de
demander la confiance aux élus de la nation, l'homme a asséné une série
de faits économiques. Celui qui sera, après le vote des parlementaires,
le septième chef de gouvernement depuis 2011 a laminé le bilan
économique de ses six prédécesseurs. Croissance atone (1,5 % en 2016),
dette publique qui a doublé en cinq ans, masse salariale de la fonction
publique qui monopolise 13,4 milliards de dinars du budget de l'État,
quelque 112 000 recrutements depuis 2011 (plus de 600 000 fonctionnaires
au total ), des caisses sociales dans le rouge, la production du
phosphate qui ne tourne qu'à 60 % de ses capacités… Chahed a également
insisté sur l'incivilité qui transforme les routes en cimetière et le
pays en une vaste décharge à ciel ouvert. « La liberté, ce n'est pas de
griller le feu rouge ou de jeter des saletés dans la rue », a-t-il
souligné. Une façon explicite de dire que l'État a sa part de
responsabilité dans la crise, mais que la population est également
responsable de l'espace public. Il a également précisé que la liberté ne
signifie pas qu'on doit s'abstenir « de payer ses factures
d'électricité ou d'eau ».
« Nous avons fait une révolution, nous avons rédigé une Constitution,
nous avons reçu le prix Nobel de la paix, mais cinq ans après la
révolution, notre pays vit une crise qui menace d'étouffer les rêves de
la jeunesse qui a perdu espoir », a dit le quadra aux députés. Selon
lui, l'austérité guette et si la Tunisie s'est tournée vers le FMI c'est
qu'elle n'avait pas d'autre choix. Son gouvernement affiche plusieurs
priorités. La lutte contre le terrorisme, la lutte contre l'endettement,
la lutte contre la corruption. Il a demandé aux députés de ne pas
simplement lui accorder la confiance, mais d'adhérer à sa vision. Sur le
fond comme sur la forme, ce membre de Nidaa Tounes (le parti fondé pour
Béji Caïd Essebsi) a réussi son entrée en scène. Peu expérimenté en
politique, il a su, pendant son discours à l'Assemblée, imposer un ton
et trouver les mots (en dialecte tunisien) pour nommer les maux qui
rongent les fondations de la République tunisienne. Sans reprendre la
fameuse formule de Churchill, qui promettait en 1940 « du sang et des
larmes », Chahed n'a pas enjolivé la situation. Au contraire. Il a
énoncé les vérités économiques, tracé les lignes de force de son action
future et mis les citoyens face à leurs responsabilités. Il est assuré
d'obtenir le vote de confiance. Les principaux partis ont annoncé qu'ils
la lui accorderont.
(26-08-2016 - Benoît Delmas)
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