Le gouvernement d'union tunisien de Youssef Chahed prend ses fonctions
lundi et devra rapidement donner des gages sur sa capacité à redresser
un pays au bord de l'asphyxie économique cinq ans après la révolution.
La cérémonie de passation entre le plus jeune Premier ministre de
l'histoire moderne de la Tunisie (40 ans) et son prédécesseur Habib
Essid est prévue à partir de 11H00 (10H00 GMT) à Carthage, près de la
capitale.
Issu du parti Nidaa Tounes fondé par le président Béji Caïd Essebsi, M.
Chahed, un libéral, dispose pour mener sa mission de plusieurs atouts,
outre sa jeunesse.
Féminisé et rajeuni, son gouvernement a confortablement obtenu la
confiance de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), vendredi
soir, avec 168 voix sur un total de 217 députés.
Surtout, le discours offensif du nouveau Premier ministre a reçu un écho favorable, laissant entrevoir un frémissement positif.
En résistant la semaine dernière aux pressions des partis alliés qui lui
demandaient de revoir la composition de son équipe, Youssef Chahed a
par ailleurs envoyé un message d'autorité.
Mais le septième Premier ministre de l'après-révolution va devoir
combattre le sentiment de désenchantement d'une population lasse des
crises à répétition depuis 2011.
De nombreux Tunisiens ont relevé que le sombre diagnostic économique et
social livré aux députés avait déjà été établi par certains de ses
prédécesseurs, sans que cela ne change le cours des choses.
Les priorités sont notamment la lutte contre le chômage, la corruption et le terrorisme.
Sur ce dernier point, Youssef Chahed a choisi la continuité en
confirmant les titulaires de l'Intérieur (Hédi Majdoub) et de la Défense
(Farhat Horchani). Après une série d'attaques jihadistes sanglantes qui
ont ravagé le secteur touristique, ces deux ministres ont pu se
prévaloir de l'accalmie actuelle.
Pour le reste, "ce gouvernement c'est celui de +minuit moins le quart+.
Difficile de dire s'il va avoir le temps de prouver son efficacité", dit
à l'AFP le politologue Slaheddine Jourchi, selon qui "les indicateurs
actuels donnent l'impression que l'échec est plus proche que la
réussite".
"Est-ce que M. Chahed pourra mettre en place une trêve sociale?", s'interroge-t-il notamment.
La première des tâches du cabinet Chahed sera effectivement de s'atteler
à la relance de l'appareil productif tunisien, notamment l'industrie du
phosphate, miné par les conflits sociaux.
A la faveur des larges négociations menées cet été, le gouvernement
"d'union nationale" compte en son sein deux anciens membres du puissant
syndicat UGTT... ce qui à lui seul n'est toutefois pas un gage de
réussite.
Car malgré l'appellation de son gouvernement "d'union nationale",
Youssef Chahed sera loin de pouvoir s'appuyer sur un climat de concorde.
L'opposition a déjà annoncé la couleur. "Vous obtiendrez la confiance de
l'ARP mais pas celle des chômeurs et des pauvres!", a asséné vendredi
le député du Front populaire (FP), Ammar Amroussia.
Au sein même du gouvernement, M. Chahed devra gérer une coalition
hétéroclite dont l'une des marques de fabrique reste l'alliance
contre-nature entre Nidaa et les islamistes d'Ennahda, première force au
Parlement.
Faute d'embellie rapide -- les prévisions de croissance pour 2016
restent inférieures à 2% --, le gouvernement s'oriente en outre vers un
délicat programme d'austérité, alors que le pays a dû recourir au
printemps à un nouveau prêt du Fonds monétaire international (2,8
milliards de dollars sur 4 ans).
"Nous serons tous amenés à faire des sacrifices. Si rien ne change d'ici
2017, nous procéderons à l'austérité", a prévenu Youssef Chahed.
Autre défi à court terme: la réussite de la grande conférence des
bailleurs et investisseurs, prévue en novembre à Tunis, à laquelle 70
pays participeront.
Si le pays jouit d'une sympathie certaine, notamment en Europe, depuis
qu'il s'est engagé sur la voie de la démocratie, il n'est pas parvenu
jusque-là à attirer les investisseurs. Les projets de coopération, eux,
se concrétisent au compte-goutte.
Enfin, Youssef Chahed, jusque-là ministre des Affaires locales, devra
vite améliorer le quotidien des 11 millions de Tunisiens, confrontés aux
infrastructures déficientes et au manque global d'entretien de l'espace
public.
L'une des clés réside dans la tenue des premières municipales de
l'après-révolution, les villes étant gérées depuis 2011 par de simples
"délégations spéciales", en charge des affaires courantes.
La date de mars 2017 semblait se dégager, mais l'instance électorale a
indiqué début août que ce délai serait impossible à tenir: la loi devant
régir le scrutin est toujours en attente d'adoption.
(29-08-2016 - Avec les
agences de presse)
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