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prise le 11 janvier 2016 d'enfants syriens dans les environs de la
ville rebelle assiégée de Madaya, d'où ils ont été évacués (Afp)
Depuis un mois, Yamane Ezzedine, un garçon de 10 ans souffrant d'une méningite, se tord de douleur devant ses parents impuissants dans la ville syrienne assiégée de Madaya. Il fait partie des enfants malades ou blessés que l'ONU appelle à évacuer d'urgence.
"Pendant des jours, il a eu 40 de fièvre. Les compresses froides se sont avérées inutiles. Puis il a eu des convulsions au cou et au dos et des hallucinations permanentes et il ne peut plus voir la lumière du jour", explique Alaa, son père joint au téléphone par l'AFP à Beyrouth.
Alaa Ezzedine vit avec sa famille à Madaya, une ville de 40.000 habitants contrôlée par les rebelles à 40 km au nord-ouest de Damas.
Depuis deux ans, la cité est encerclée par les troupes du régime et leurs alliés, à l'instar des près de 600.000 personnes assiégées dans le pays en guerre, en majorité par les forces du président Bachar al-Assad.
Le siège de Madaya est devenu total mi-2015, provoquant jusqu'à plus de 60 cas de décès dus à la malnutrition et la famine, dont des enfants, selon des ONG. Elle est devenue le symbole des affres du siège et l'aide internationale entrée à quatre reprises n'a pas suffi.
"Yamane n'arrête pas de hurler de douleur, tellement elle est insupportable", confie son père la voix étouffée. "Il se tord devant nous et nous ne pouvons rien faire pour lui, sauf lui donner trois comprimés d'analgésique par jour. Il ne nous reconnaît plus".
D'après Mohammad Darwich, un médecin de 25 ans à Madaya interviewé par l'AFP, le garçon "ne réagit plus à aucun traitement".
Une vidéo relayée par des militants de la ville affirme montrer Yamane, quasi-inconscient, criant de douleur sans arrêt.
"Je ne sais pas à qui m'adresser. J'appelle le monde entier, l'ONU, le Croissant rouge à sauver mon fils", implore son père.
Son appel est relayé par le dr Darwich et le reste de l'équipe médicale à Madaya, selon qui 13 enfants et une fille de 22 ans semi-paralysée et frappée de cécité ont besoin d'être évacués sans délai.
"Il n'y a plus qu'un hôpital de fortune qui manque de médicaments et d'équipement. Tout le monde sans exception souffre d'un manque de calcium et de pertes de sang", a déploré sur sa page Facebook l'équipe médicale. "Il y a 45 cas de typhoïde", a-t-elle ajouté, appelant la communauté internationale à réagir.
Le 11 août, l'envoyé spécial de l'ONU Staffan de Mistura a appelé le régime à permettre l'évacuation d'urgence d'une quinzaine de malades ou blessés, en majorité des enfants -le plus jeune a six mois-, de Madaya. Il a aussi demandé aux rebelles qui assiègent Foua (nord-ouest du pays) de laisser sortir deux malades du village.
Dimanche et après une campagne d'ONG internationales, l'une des blessés, une fillette de dix ans blessée à la hanche par une balle de sniper a pu être évacuée de Madaya vers un hôpital de Damas.
Bien qu'il soit dentiste, le docteur Darwich s'est vu obliger avec les deux autres derniers médecins de Madaya, un autre dentiste et un vétérinaire- à traiter différents cas médicaux avec les moyens du bord: césarienne, amputation et chirurgies de toutes sortes.
Il raconte le cas de Bissane al-Chamaa, bébé d'un an, parmi les plus terribles qu'il a à traiter.
Les premiers mois, on donnait à ce bébé du lait en poudre qui s'est avéré être mélangé à du plâtre. "Elle est désormais atteinte de sepsis", une infection du sang, affirme-t-il.
Abdel Wahab Ahmad, un secouriste collaborant avec Médecins sans frontières (MSF), a publié une photo de Bissane mais aussi d'Oussama, un garçon de six ans, tous deux au corps très maigre.
Depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, le régime a eu recours à la tactique du siège pour soumettre la rébellion dans plusieurs régions. Les insurgés de leur côté assiègent deux villages loyalistes, Foua et Kafraya dans la province d'Idleb.
D'après un accord conclu en septembre 2015, toute évacuation à Madaya et Zabadani, une ville également assiégée par le régime dans la province de Damas, doit se faire simultanément avec une opération similaire de Foua et Kafraya.
Pour les enfants de Madaya, le temps presse.
"Que Dieu épargne à tout parent la vue de son enfant dans un tel état", affirme le père de Yamane. "J'ai peur qu'il ne soit trop tard pour lui".
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