dimanche 8 février 2015

Yémen: menacés d'isolement, les miliciens chiites acceptent de renouer le dialogue

Les miliciens chiites, menacés d'isolement après le rejet de leur coup de force par les principaux partis politiques yéménites et les monarchies du Golfe, se sont résolus à participer lundi à un dialogue sous l'égide de l'ONU.
Les miliciens chiites, dits Houthis, ont annoncé vendredi la dissolution du Parlement et l'installation de nouvelles instances dirigeantes, après avoir poussé fin janvier à la démission le président Abd Rabbo Mansour Hadi et le Premier ministre Khaled Bahah.
Le secrétaire général de l'ONU a réclamé dimanche le rétablissement du président démissionnaire.
Le coup de force des Houthis a également été dénoncé par les partis politiques yéménites, y compris par le parti de l'ex-président Ali Abdallah Saleh, devenu pourtant leur allié. Le CPG, le plus grand parti du pays, majoritaire au Parlement, a reproché aux Houthis d'avoir "nui à la légalité constitutionnelle".
Le parti islamiste Al-Islah a lui aussi rejeté les décisions des miliciens chiites, demandant de "les abroger", tandis que le Parti socialiste y a vu "un coup porté au consensus national".
A l'étranger, les Houthis ont été violemment attaqués par les monarchies du Golfe qui ont dénoncé un "coup d'Etat" et menacé de "prendre les mesures pour défendre leurs intérêts" au Yémen, dont la sécurité est selon elles intimement liée à la leur.
Avant de se saisir du pouvoir, les Houthis, soupçonnés de bénéficier d'une aide de l'Iran chiite, avaient été classés "groupes terroristes" en Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis.
Washington, pour qui le Yémen est un important allié dans la lutte contre le réseau extrémiste Al-Qaïda, a aussi dénoncé leur coup de force et le Conseil de sécurité des Nations unies a brandi la menace de sanctions si le dialogue politique ne reprenait pas.
En visite à Ryad, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a réclamé dimanche que le président Hadi soit "rétabli dans sa légitimité", en s'inquiétant de la "détérioration" de la situation dans le pays.
Face à cet isolement croissant, les miliciens chiites ont finalement accepté de participer à un dialogue lundi avec "toutes les parties" au Yémen, sous le parrainage de l'ONU.
"Je souligne la nécessité pour tous les dirigeants politiques de prendre leurs responsabilités et de parvenir à un consensus pour surmonter l'impasse politique dans laquelle se trouve le pays", a lancé l'émissaire de l'ONU Jamal Benomar, en appelant à "une solution pacifique".
La tension était en effet vive dimanche dans le sud et le sud-est du Yémen où les autorités locales ont annoncé "ne pas reconnaître" le pouvoir des Houthis.
Selon leur communiqué, ce rejet est partagé par les forces armées et de sécurité dans les provinces d'Aden, Abyane, Lahj, Chabwa, Dhaleh et Hadramout. D'intenses tractations s'y poursuivaient, impliquant notamment le Mouvement sudiste, dont une faction milite pour une sécession du Sud du pays, qui était un Etat indépendant jusqu'à 1990.
Dans la province pétrolière de Marib, à l'est de Sanaa, des chefs de puissantes tribus sunnites, farouchement opposées aux Houthis, et le commandement régional de l'armée et celui de la police, "se concertaient sur les moyens de faire face à toute éventualité", a déclaré dimanche à l'AFP le vice-gouverneur, Abdelwahed Namrane.
Cette mobilisation fait suite à des informations selon lesquelles les Houthis entendent avancer dans Marib "au nom de la lutte contre Al-Qaïda", fortement implantée dans cette province, selon des habitants.
"Les Houthis ne peuvent pas gouverner à eux seuls le Yémen. Ils ne contrôlent que trois provinces du nord: Sanaa, Amrane et Saada", a noté l'analyste yéménite Ali al-Bakaly.
"Les autres provinces leur échappent. S'ils tentent de s'y imposer, ils provoqueront une guerre civile" dans le pays où la population est fortement armée, a-t-il ajouté.

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