vendredi 6 février 2015

Yémen : La milice chiite dissout le Parlement

Les miliciens chiites ont consolidé leur emprise sur le pouvoir au Yémen, un pays à majorité sunnite de la Péninsule arabique, en annonçant la dissolution du Parlement et la mise en place de nouvelles instances dirigeantes dans le pays, privé d'exécutif depuis deux semaines. Le Yémen, allié des États-Unis dans la lutte contre al-Qaida, est plongé dans une profonde crise politique depuis la démission le 22 janvier du président Abd Rabbo Mansour Hadi et de son gouvernement, deux jours après la prise du palais présidentiel par les miliciens chiites, dits houthis. Dans une "déclaration constitutionnelle" rendue publique depuis le palais présidentiel, la milice houthie a décidé de dissoudre le Parlement, d'installer un Conseil présidentiel de cinq membres à élire par un Conseil national de 551 membres devant remplacer la Chambre dissoute.
Le Conseil présidentiel doit à son tour former un gouvernement de compétences nationales pour une période de transition, que la milice a fixée à deux ans. Durant cette période, les nouvelles instances dirigeantes auront pour mission d'élaborer une nouvelle Constitution à soumettre à référendum et d'organiser des élections législatives et présidentielle, selon le texte. Le document porte la signature du "président du Comité révolutionnaire, Mohamed Ali al-Houthi", un parent du chef de la milice chiite d'Ansaruallah, Abdel Malek al-Houthi. Ce Comité révolutionnaire "entreprendra toutes les mesures et les dispositions nécessaires pour défendre la souveraineté de la patrie, assurer sa stabilité et sa sécurité et garantir les droits et les libertés des citoyens", indique encore le document. C'est également le Comité révolutionnaire qui fixera ultérieurement "les compétences du Conseil national, du Conseil présidentiel et du gouvernement", poursuit le texte.
La "déclaration constitutionnelle" a été lue lors d'une cérémonie à laquelle assistaient des figures tribales et militaires, mais aussi les ministres de la Défense et de l'Intérieur du dernier gouvernement, qui a démissionné il y a deux semaines, le même jour que le président Hadi.
Étaient également présentes des figures politiques proches de l'ex-président Ali Abdallah Saleh, qui a quitté le pouvoir en février 2012 sous la pression de la rue, et présenté désormais comme un allié des houthis. M. Saleh dirige toujours le plus grand parti politique du Yémen, le Congrès populaire général (CPG), majoritaire dans l'actuelle chambre des députés. Il est resté également influent dans le pays, notamment dans les milieux de tribus et de l'armée.
Alors que les houthis ont appelé la population à célébrer en soirée cette annonce dans les rues de Sanaa, étroitement contrôlées par leurs miliciens en armes, un groupe de jeunes militants, animateurs du soulèvement en 2011 contre M. Saleh, a rejeté dans un communiqué "l'hégémonie des milices houthies" sur le pays. Des tribus de Marib, une province riche en hydrocarbures, ont exprimé leur rejet. "Nous refusons les auteurs du coup d'État à Sanaa", a déclaré à l'AFP cheikh Saleh al-Anjaf, un porte-parole de ces tribus.
La "déclaration constitutionnelle", qui ne fait aucune référence au président Hadi, a été annoncée au lendemain de la suspension des négociations entre les différentes formations politiques sur une sortie de crise, parrainées par l'émissaire de l'ONU au Yémen, Jamal Benomar, faute d'accord. Ces négociations devaient reprendre samedi, selon des participants. M. Benomar, qui n'a pas réussi à rapprocher les positions des principaux protagonistes de la crise, a quitté Sanaa vendredi en fin d'après-midi au terme d'une mission de deux semaines au Yémen, a rapporté l'agence officielle Saba peu avant l'annonce des miliciens chiites de leur nouveau coup de force.
L'émissaire onusien s'est envolé pour l'Arabie saoudite, le puissant voisin du Yémen, a-t-on appris dans son entourage. Les miliciens chiites, dont le fief se trouve dans le nord du pays, sont entrés dans la capitale en septembre. Ils ont depuis pris le contrôle de nombreux bâtiments gouvernementaux par la force, poussant l'exécutif à la démission. Parallèlement, ils ont étendu leur influence vers le centre du pays, se heurtant notamment à des tribus sunnites locales et à des combattants d'al-Qaida.

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