"Z – s’expose",
Maison de l’image
40, rue Tarak Ibn Zied 1086 Mutuelleville, Tunis
Mieux que l’homme invisible, le dessinateur Z. La preuve le 16 janvier
dernier. Cité U, Paris. La Maison de Tunisie fait salle comble. Il a
fallu pousser les murs pour accueillir les 400 personnes qui jouent des
coudes pour se marrer des dessins de Z. Au milieu de cette foule, il
était là. Incognito. "C’était très agréable, j’écoutais les réactions
des gens sans avoir à subir les politesses de circonstances", s’amuse
celui qui fut recherché des années durant, à Paris et Tunis, par les
sbires de la police secrète de Ben Ali.
Ses crimes ? Avoir croqué le despote – "ce qui relevait du blasphème
pour le régime" -, dépeint sa femme en courtisane avide de
dinars/dollars et autres monnaies mal acquises. Il n’épargna rien. Ni la
mafia, ni la corruption institutionnalisée par l’État, ni les mœurs à
la Borgia du clan Trabelsi, la belle-famille du dictateur. Ce doux
personnage, rien ne le prédestinait à entrer en guerre avec le régime
policier tunisien, ses crayons pour munitions. Architecte de formation,
il sait dessiner. 2007. Dix-neuf ans que Zine el-Abidine Ben Ali est au
pouvoir. Sa femme, la puissante marâtre Leïla, veut alors marier son
fils à l’une des filles de l’émir des Émirats arabes unis. Un projet
digne de pharaon découle de ce projet marital. "Ben Ali et le clan de sa
femme voulaient édifier une cité façon Dubaï de 750 hectares en bordure
de Tunis", explique l’archi pas encore devenu caricaturiste.
Celui qui n’est pas encore Z se procure les plans. Les décortique. Et
lance un blog, Débat Tunisie. "Tout le monde disait que les débats
étaient interdits mais personne n’en lançait", constate-t-il. Avec des
ruses de cyberactiviste, il le conçoit. Des papiers très sérieux sur les
dangers d’un tel projet. Succès très relatif. Puis il décide de mettre
ses feutres au service de son propos. Premier cartoon, premier carton. Z
est né, partagé sur les réseaux sociaux, traqué par la sûreté
intérieure.
Sa cohorte de personnages, les Ben Simpsons (les personnages de Matt
Groening appliqué aux Ben Ali) notamment, séduit, amuse, irrite. Il
dessine au crayon, scanne puis colorie. Et poste sur sa page Débat
Tunisie. Biberonné à l’école Charlie/Siné, il n’est jamais loin de la
transgression. À ses yeux, ses dessins ne peuvent pas faire de mal. Sa
conviction : "Qu’on se débarrasse de l’utilisation politique du
religieux." Il faut "détabouïser l’espace public", martèle-t-il. "C’est
aux artistes, aux intellectuels de le faire", dit-il avant de marquer un
temps d’arrêt.
Et de reprendre : "Le problème ? Ils ne le font pas." Marx ? "Le recours
au religieux est une échappatoire pour bon nombre de gens." Tendance
Groucho ? "Le blasphème, la caricature, le sexe… sont une façon de
sortir le dogmatique de l’espace public." Le 13 février, il sera à
Tunis. La Maison de l’image exposera les dessins de son choix. Celle où
l’on voit le roi Abdallah mourir d’une fellation généreusement offerte
par une pulpeuse créature sera-t-elle présente ? "Je ne sais pas si je
vais me censurer…" Mais il sera là. Anonyme au cœur des invités. Vengeur
masqué des turpitudes politico mafieuses.
(12-02-2015 - Benoît Delmas)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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