"Daech, naissance d'un État terroriste",
Arte, mardi 10 février à 20 h 55
Daech : le nom arabe de l'organisation État islamique en Irak et au
Levant est sur toutes les lèvres. Celles des terroristes, qui de plus en
plus s'en réclament lors de leurs exactions, mais aussi celles des
chercheurs, des politiques et de l'homme de la rue qui, tous, essaient
de comprendre quelle organisation se cache derrière cet acronyme inconnu
il y a un an encore.
Auteur de travaux remarqués sur la face cachée d'entreprises comme
Goldman Sachs ou encore Mittal, le journaliste Jérôme Fritel présente
mardi soir sur Arte un documentaire consacré au fonctionnement de la
multinationale du terrorisme qu'est Daech. Pour comprendre comment cette
start-up née en Irak sous l'occupation américaine a grandi jusqu'à
dominer aujourd'hui un État de 10 millions d'habitants, Jérôme Fritel et
son complice Stephan Villeneuve ont sillonné pendant un mois les
frontières du "califat" autoproclamé.
Si les deux journalistes n'ont pas cherché à pénétrer le territoire
ennemi, ils l'ont approché au plus près, emmenant le téléspectateur avec
eux jusqu'au check-point de Maktab Khalid, à la frontière entre l'État
islamique et le Kurdistan. On y découvre des civils terrorisés,
continuant à mener une vie en apparence normale sous l'oeil vigilant des
nouveaux maîtres, qui leur interdisent de fumer en public ou de sortir
sans le voile intégral sous peine de mort.
Évitant le voyeurisme, le documentaire évoque sans sombrer dans le gore
les crucifixions et décapitations menées par les arrivants lorsqu'ils
prennent d'assaut une ville. Les images suivantes, celles de ces maisons
marquées d'une inscription en arabe pour signaler aux djihadistes la
présence de familles kurdes, sont presque encore plus terribles.
Là où les différentes ethnies cohabitaient hier en bonne intelligence,
l'épuration ethnique est désormais à l'oeuvre. Comme le rappelle le
documentaire en préambule, l'État islamique (EI) est né d'une alliance
contre nature : celle des anciens proches de Saddam Hussein avec une
poignée d'islamistes radicaux anciennement membres d'al-Qaida emmenés
par Abou Bakr Al-Baghdadi. Détenus ensemble dans les geôles irakiennes
du temps de l'occupation américaine, ces deux clans que tout opposait se
sont alliés pour chasser leurs ennemis communs, chiites et Occidentaux.
S'appuyant sur une stratégie longuement murie en cellule, les cerveaux
de l'organisation misent sur la frustration des populations sunnites
maltraitées en Irak comme en Syrie pour mener la conquête territoriale.
Une entreprise facilitée par la corruption qui gangrène les forces
armées régulières, dont on s'aperçoit qu'elles ont fui sans combattre,
abandonnant derrière elles le matériel dernier cri que leur avaient
laissé les Américains. Et par les moyens désormais colossaux dont
dispose l'EI.
Car c'est sans doute là le véritable apport de ce documentaire. Il nous
rappelle que Daech, contrairement à al-Qaida, est une organisation
capable de s'autofinancer. Qui sera peut-être demain en mesure de mettre
en place une administration et de proposer des services sociaux à ses
habitants. L'État islamique contrôlerait en effet une vingtaine de puits
de pétrole sur son territoire et réaliserait entre 500 000 et un
million d'euros de chiffre d'affaires par jour. Loin d'être coupé du
monde, le "califat" exporte chaque jour par camion des milliers de
barils de brut bradé, qui rejoignent ensuite le circuit classique via la
Turquie et la Jordanie. Plus embarrassant pour les puissances
occidentales : les islamistes d'Al-Baghdadi ont la main sur des banques
locales qui n'ont pas été exclues du système financier international et
qui continuent donc chaque jour à effectuer des transactions avec le
reste du monde.
Si le documentaire de Jérôme Fritel se contente d'exposer les faits,
n'explorant pas la voie des solutions, il montre que l'action militaire
ne peut être la seule clé. L'Émirat doit être aussi vite que possible
"débranché" de ses sources de financement, sans quoi il sera impossible
d'éviter la croissance vertigineuse de cette entreprise de destruction
qu'est Daech.
(10-02-2015)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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