Douze ans après la guerre d'Irak du président George W. Bush, son
successeur, Barack Obama, a demandé mercredi au Congrès de contresigner
la guerre contre l'organisation Etat islamique, pour trois ans et sans
intervention terrestre de longue durée.
C'est un document autant juridique que politique que le président
américain a soumis au Congrès: une résolution "pour autoriser l'usage
limité des forces armées américaines contre l'Etat islamique en Irak et
au Levant", longue d'à peine trois pages, mais dont l'essence se
concentre dans quelques phrases cruciales.
L'Etat islamique "représente une menace pour les peuples et la stabilité
de l'Irak, de la Syrie et du Moyen-Orient, ainsi qu'à la sécurité
nationale des Etats-Unis", écrit Barack Obama dans une lettre aux
parlementaires, en citant quatre Américains tués aux mains du groupe EI,
James Foley, Steven Sotloff, Abdul-Rahman Peter Kassig et Kayla
Mueller.
"Sans intervention, l'EI pose une menace au-delà du Moyen-Orient, y compris pour le territoire des Etats-Unis", poursuit-il.
Barack Obama n'a évidemment pas attendu l'autorisation du Congrès pour
commencer cette guerre contre les jihadistes de l'EI. Les avions
américains les bombardent depuis le 8 août en Irak, et depuis le 23
septembre en Syrie. Près de 2.000 militaires aident déjà les forces
irakiennes.
Six mois d'opérations militaires conduites en vertu des pouvoirs de
commandant en chef de Barack Obama, et fondées officiellement sur les
autorisations votées par le Congrès contre l'Irak (2002) et Al-Qaïda
(2001), un lien pour le moins ténu.
Depuis six mois, de nombreux élus, démocrate et républicains,
contestaient une guerre illégale et exhortaient le Congrès à assumer son
rôle constitutionnel de déclarer les guerres. La dernière déclaration
de guerre formelle date de la Seconde guerre mondiale, mais le Congrès a
depuis autorisé l'usage de la force à plusieurs reprises, notamment au
Liban (1983) et en Irak (1991).
Le nouveau document abrogerait l'autorisation de 2002 contre l'Irak, et
donnerait une base juridique à la guerre contre l'EI, en fixant les
paramètres suivants:
- l'autorisation courrait trois ans;
- elle vise le groupe EI et "les forces et personnes associées";
- elle ne comporte par de contraintes géographiques, reconnaissant le
fait que l'EI "a annoncé son intention de saisir plus de territoires"
que la Syrie et l'Irak;
- elle interdirait des "opérations durables de combats terrestres offensifs".
Selon Barack Obama, cette dernière limitation permettrait des opérations
de sauvetage, des raids des forces spéciales contre les chefs de l'EI
ou des opérations de renseignement, mais elle empêcherait une nouvelle
invasion du type de celles lancées en Irak et en Afghanistan.
C'est la phrase qui devrait être la plus débattue et amendée au Congrès dans les prochains mois.
Les républicains, traditionnellement attachés à l'idée d'un exécutif
fort, sont majoritairement hostiles à toute restriction concernant le
déploiement de troupes au sol, à la fois pour des raisons tactiques
-pour ne pas informer l'ennemi des plans militaires américains- et
stratégiques -afin de parer à toute éventualité dans un conflit qui
s'annonce long de plusieurs années.
"Toute autorisation d'usage de la force militaire doit donner à nos
chefs militaires la flexibilité et le pouvoir nécessaires pour réussir
et protéger notre peuple", a déclaré John Boehner, le président
républicain de la Chambre des représentants. "Je suis inquiet que la
demande du président ne remplisse pas cette condition".
Barack Obama "doit expliquer comment l'armée peut opérer sous les
restrictions qu'il suggère", a estimé Mac Thornberry, président de la
commission de la Défense de la Chambre. "Et il doit expliquer pourquoi
il cherche à lier ses propres mains en limitant des pouvoirs qu'il a
déjà clamés".
A l'inverse, de nombreux démocrates traumatisés par la guerre d'Irak,
que beaucoup, dont Hillary Clinton, avaient approuvée avant de le
regretter, souhaitent interdire strictement le déploiement de troupes de
combat, afin d'empêcher tout glissement vers une opération de long
terme et sanglante pour les soldats américains.
"Je suis inquiet du caractère large et vague de l'article sur les
troupes américaines au sol, et je vais chercher à le clarifier", a réagi
le sénateur démocrate Tim Kaine.
(11-02-2015)
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