L’opposition tunisienne a rejeté vendredi la proposition de sortie de
crise du parti islamiste Ennahda, qui a évoqué une possible démission de
son gouvernement après un mois d’impasse et avant une grande
manifestation prévue par les détracteurs du régime.
"Toute négociation sans dissolution (immédiate) du gouvernement serait
une perte de temps", a jugé Taïeb Baccouche, un des représentants de
l’opposition, après avoir reçu du syndicat UGTT, médiateur dans la crise
politique, le détails des concessions d’Ennahda.
Le secrétaire général de l’UGTT, Houcine Abassi, doit encore rencontrer
dans la journée le président de la Constituante, Mustapha Ben Jaafar,
puis en fin d’après-midi le chef d’Ennahda, Rached Ghannouchi.
Jilani Hammami, un autre représentant du Front de salut national (FSN),
l’hétéroclite coalition d’opposition, a qualifié de "double langage" la
proposition faite jeudi par les islamistes dont les détails n’ont pas
été communiqués à la presse.
Ennahda a cependant concédé pour la première fois la possibilité d’une
démission du gouvernement d’Ali Larayedh à l’issue d’un "dialogue
national" dégageant une solution consensuelle à la crise politique, tout
en soulignant que le cabinet resterait en place dans l’intervalle.
Le FSN exige à l’inverse depuis un mois la mise en place d’un cabinet
composé exclusivement d’indépendants avant de négocier sur leurs autres
sujets de désaccords. Les dossiers les plus sensibles concernent la
rédaction de la Constitution, en cours depuis octobre 2011 mais en panne
depuis des mois, la future loi électorale et le calendrier des scrutins
à venir.
"Nous allons maintenir la pression pour obtenir la dissolution du
gouvernement, nous avons un plan pour augmenter la mobilisation sur le
terrain à partir du 24 août", a dit Jilani Hammami.
Les opposants prévoient une "semaine du départ" à compter de samedi pour
tenter d’arracher, via des manifestations pacifiques, la mise en place
d’un cabinet apolitique de salut national et la dissolution de la
constituante. Ennahda milite de son côté pour une équipe gouvernementale
élargie à toutes les forces politiques.
Le premier grand rassemblement est prévu samedi à partir de 17H00 GMT
(18H00 locale) face à l’Assemblée nationale constituante, où depuis près
d’un mois manifestants et députés d’opposition observent un sit-in. Les
6 et 13 août, des dizaines de milliers de personnes avaient déjà
manifesté à cet endroit.
La crise politique en cours a été déclenchée le 25 juillet par
l’assassinat, attribué à la mouvance jihadiste, du député d’opposition
Mohamed Brahmi. Un premier meurtre de ce type en février avait fait
chuter le précédent gouvernement dirigé par Ennahda.
L’UGTT, forte de ses 500.000 membres et capable de paralyser le pays par
des grèves, conduit depuis début août la médiation entre opposants et
islamistes à la demande du président de la Constituante qui a gelé les
travaux de l’assemblée pour forcer les deux camps à négocier.
Les islamistes considèrent de leur côté avoir la légitimité pour diriger
le pays depuis l’élection de la constituante en octobre 2011 et bien
que les travaux de cette assemblée aient près d’un an de retard.
Plusieurs dirigeants islamistes ont même estimé que les revendications
de l’opposition constituaient une tentative "de coup d’Etat" modelée sur
le renversement par l’armée égyptienne du président islamiste Mohamed
Morsi.
Mais la position d’Ennahda est fragilisée par le fait que l’UGTT et le
patronat Utica sont favorables à un gouvernement de technocrates. Les
deux organisations sont opposées cependant à une dissolution de l’ANC.
Le régime en place est accusé d’avoir failli sur le plan sécuritaire
face à l’essor de la mouvance jihadiste, mais aussi dans le domaine
économique, alors que les revendications sociales étaient au coeur de la
révolution de janvier 2011.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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