Les Coptes de Minya en Haute-Egypte retiennent leur colère, deux
semaines après la destruction de plusieurs églises par des islamistes
rendus furieux par la répression sanglante au Caire de manifestations
des partisans du président Mohamed Morsi destitué par l’armée.
Mais en dépit de la tension palpable dans cette ville située à 250 km au
sud de la capitale et toujours désertée par la police, point d’appels à
la vengeance, pas même de discours enflammés.
Et pourtant, les Coptes de Minya, une province de cinq millions
d’habitants dont un million de chrétiens, disent avoir souffert de
violences systématiques et coordonnées depuis la mi-août.
Selon Human Rights Watch, plus de 40 églises ont été attaquées en Egypte
après le début le 14 août de la répression sanglante par l’armée et la
police des manifestations réclamant le retour au pouvoir de M. Morsi,
renversé et arrêté par l’armée le 3 juillet.
Les attaques se sont concentrées, selon HRW, à Minya et Assiout, dans le
centre, où respectivement 11 et huit églises ont été visées.
Les Coptes, qui représentent quelque 10 des 80 millions d’Egyptiens,
avaient déjà subi des violences dans l’histoire récente, mais jamais de
campagne aussi systématique.
Les islamistes les accusent de soutenir les opérations des militaires
pour écarter les Frères musulmans du pouvoir. Le patriarche copte
orthodoxe Tawadros II s’est ainsi affiché au côté du chef de l’armée, le
général Abdel Fatah al-Sissi, le nouvel homme fort du pays, le jour où
ce dernier annonçait la destitution de M. Morsi.
Depuis deux semaines, la confrérie de M. Morsi subit la répression de
plein fouet : plus d’un millier de personnes ont été tuées,
essentiellement des manifestants islamistes, et les principaux
dirigeants des Frères musulmans ont été arrêtés.
"Je dis aux islamistes qui nous ont attaqués que nous n’avons pas peur
de leur violence et de leur volonté d’exterminer les Coptes", martèle
Mgr Bostros Fahim Awad Hanna, archevêque de Minya.
"Si nous ne ripostons pas, ce n’est pas parce que nous sommes terrorisés mais parce que nous sommes sages", assure-t-il.
Sur les décombres de l’église Saint-Moïse, Bassam Youssef se désole du
spectacle de l’édifice aux formes arrondies, surmonté d’un clocher,
ravagé par les flammes.
"Juste après le 14 août, quelque 500 extrémistes ont attaqué l’édifice
et y ont mis le feu", se rappelle ce copte. "On ne s’attendait pas à une
telle violence", ajoute-t-il en montrant des photos d’avant la
destruction. "Regardez cette belle mosaïque qui ornait le balcon
intérieur, il n’en reste rien et on aura besoin de 5 à 6 ans pour tout
reconstruire", se lamente-t-il.
"On s’attendait à une réaction violente mais pas de cette ampleur, ce
qui fait croire qu’elle avait été bien préparée", estime l’archevêque.
Le centre de Minya est un enchevêtrement de commerces portant des noms
chrétiens ou musulmans et les églises se mêlent aux mosquées, parfois à
seulement quelques dizaines de mètres les unes des autres.
Non loin de l’église Saint-Moïse, Oum Sameh, garde de ce qui reste du
collège copte, également incendié. "On les entendait appeler au jihad
(guerre sainte) et on a quitté vite les lieux, terrorisés", se
rappelle-t-elle.
De l’une des fenêtres de l’école, on voit le dôme calciné de l’église du
prince Théodore. A quelques mètres, un orphelinat copte a également été
incendié.
"Que Dieu vous pardonne en dépit de ce que vous avez commis" : le slogan
a été peint sur un pan de mur de l’orphelinat, qui n’accueille plus
aucun pensionnaire.
Le père Biman s’affaire à dégager des débris au siège de l’Association
jésuite des Frères du développement. Le feu y a détruit la bibliothèque,
une garderie et des bureaux. Mais il a épargné l’église Saint-Marc,
vieille de 125 ans, toute proche.
"Je suis très en colère", glisse ce jésuite avant de se reprendre :
"J’ai aussi de la compassion pour les assaillants qui ont subi un lavage
de cerveau". Il montre son tee-shirt barré d’un slogan appelant à
répandre l’amour à travers le monde.
"Nous avons manifesté contre le président Morsi et c’est la première
fois qu’on le fait et on en a payé le prix", estime Maria Hanaa,
responsable de l’association.
"On a manifesté parce qu’on a senti qu’on allait perdre le pays. On
avait cru qu’ils allaient faire régner la justice mais on a trouvé
qu’ils ne cherchaient que le pouvoir", dit-elle à propos des Frères
musulmans.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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