Des étudiants dans la ville portuaire yéménite de Hodeidah, le 15 mars 2017 (Afp)
Avec la guerre, le nombre d'enfants déscolarisés a plus que doublé au
Yémen et ces près de 3,5 millions de jeunes forment une génération
perdue pour l'un des pays les plus pauvres au monde.
Le coût humain de ce conflit qui s'est intensifié depuis deux ans est
plus lourd que les dommages matériels, ont souligné les Nations unies.
"Toute une génération risque de voir son avenir compromis", a prévenu la
porte-parole du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) pour le
Yémen, Shabia Mantoo.
Même constat de l'Unicef qui, dans un récent rapport, souligne que "la
déscolarisation créera une autre génération qui perpétuera le cycle de
violence".
Le conflit dans ce pays de la péninsule arabique s'est accentué avec
l'intervention le 26 mars 2015 d'une coalition militaire arabe conduite
par l'Arabie saoudite en soutien aux forces progouvernementales face aux
rebelles chiites Houthis, qui ont conquis dès 2014 de larges pans du
pays, dont la capitale Sanaa.
Depuis, les combats ont fait, selon l'ONU, quelque 7.700 morts, dont au
moins 1.546 enfants, dans un pays où près de 50% des 27 millions
d'habitants sont âgés de moins de 18 ans.
La guerre a également mis hors service 1.640 écoles, soit 10% des
établissements que compte le pays. Sur ce total, 1.470 ont été détruites
ou endommagées, alors que les autres servent de casernes ou d'abris
pour des déplacés, indique l'Unicef.
Selon ce Fonds de l'ONU pour la défense des enfants, 212 attaques armées ont visé des écoles et tué des élèves.
La guerre a aussi privé d'enseignement 1,84 million d'élèves. Ils sont
venus s'ajouter aux 1,6 million d'enfants non scolarisés avant le
conflit, selon Rajat Madhok de l'Unicef.
Après le bombardement en septembre de son école à Taëz (sud-ouest), Roua
Ahmed, 12 ans, qui rêvait de devenir institutrice, s'est résolue à
poursuivre les études dans une mosquée de son quartier. Une alternative
vite abandonnée en raison des combats.
Face aux violences, la famille a fui Taëz. Roua et les siens ont
parcouru 10 km à pied, traversant la vallée de Sala, jusqu'à la sortie
de la ville d'où une voiture les a conduits à Sanaa.
"En traversant la vallée, il y avait des snipers qui tiraient sur les
gens. Mais Dieu les avait aveuglés en exauçant les prières de ma mère.
Ils ne nous ont pas vus fuir", raconte Roua à l'AFP au milieu d'enfants
jouant au ballon dans la capitale yéménite.
A Sanaa, elle a tenté de s'inscrire dans une école mais "les classes
sont surchargées". "Ma scolarité s'est arrêtée à cause de la guerre",
ajoute-t-elle, dépitée.
Abandonnés, les enfants déscolarisés sont à la recherche de petits
boulots, mendient ou sont carrément enrôlés par les parties en conflit
comme les 1.500 enfants-soldats recensés par le HCR.
Ahmed Salem, installé dans un camp de déplacés à Mareb, à l'est de
Sanaa, après avoir fui les combats à Sarwah, sa ville natale située 40
km plus à l'ouest, raconte son calvaire quotidien.
"Depuis que j'ai quitté l'école avec le début de la guerre, je sors
chaque matin dans la rue pour trouver de quoi nourrir ma famille. Je
frappe aux portes des ONG pour demander de l'aide", dit l'adolescent de
16 ans.
Même dans les régions qui connaissent un calme relatif et où les écoles
sont ouvertes, les classes sont surchargées, les enseignants sont
souvent en grève pour protester contre des salaires impayés et les
familles n'ont pas les moyens d'acheter les fournitures scolaires.
Parents et élèves redoutent de surcroît les raids aériens à l'instar de
celui qui, attribué à la coalition arabe, a touché en août une école
dans le nord du Yémen tuant 10 enfants.
"Les élèves sont traumatisés, ils ont peur des avions qui survolent leur
quartier, peur des raids", explique Abdallah al-Ezzi, instituteur à
l'école al-Hussein de Sanaa.
Les enfants déscolarisés sont également une proie facile pour les
groupes islamistes radicaux qui ont mis à profit le conflit dans le pays
pour renforcer leurs rangs au Yémen.
Pour compenser l'école, ces jeunes "s'orientent vers les centres
coraniques ou les cycles de formation dans les mosquées", un milieu
idéal pour les radicaliser, souligne Ibrahim Nagi, un enseignant à Taëz.
Entretemps, Roua rêve toujours de reprendre sa scolarité. "Le souvenir
de mes instituteurs et de mes camarades, me fait monter les larmes aux
yeux. Je veux retrouver une vie calme", dit-elle. "Je serai la plus
heureuse si la guerre s'arrête".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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