Des élèves palestiniens jouent à Ramallah avec la colonie israélienne de Psagot en arrière plan, le 27 mars 2017 (Afp)
En rang, les élèves chantent l'hymne national puis saluent le drapeau:
au collège Amine al-Husseini, situé dans les Territoires palestiniens
occupés à quelques encablures d'une colonie israélienne, cette cérémonie
est quotidienne, comme dans toutes les écoles palestiniennes.
L'ancien grand mufti de Jérusalem Amine al-Husseini est pour les
Palestiniens le héros de la révolte contre le mandat britannique sur la
Palestine en 1936.
Pour les Israéliens, il était l'allié des Nazis --ce que les
Palestiniens démentent-- et nommer ainsi un établissement scolaire est
une incitation à la haine contre Israël et les Juifs.
Lors de sa première visite à la Maison Blanche le 15 février, le Premier
ministre israélien Benjamin Netanyahu a désigné les incitations à la
haine comme un facteur primordial de la persistance du conflit avec les
Palestiniens.
"Ils continuent d'appeler à la destruction d'Israël, dans leurs écoles,
dans leurs mosquées, dans leurs manuels scolaires. Il faut le lire pour
le croire", a-t-il accusé.
"Je crois que les Palestiniens vont devoir en finir avec cette haine
qu'on leur enseigne dès le très jeune âge" et qui "commence dans la
salle de classe", a renchéri le président américain Donald Trump.
Israéliens et Palestiniens s'accusent mutuellement d'incitation à la haine de l'autre dans les écoles.
"Du jardin d'enfants à l'université", les 1,19 million d'élèves
palestiniens apprennent qu'Israël "n'a pas le droit d'exister", dit à
l'AFP le ministre israélien de la Sécurité intérieure Gilad Erdan. C'est
Israël escamoté des cartes dans les livres scolaires ou des écoles
baptisées du nom de "terroristes", poursuit-il.
Faux, répond Tharwat Zeid, chargé des programmes scolaires au ministère palestinien de l'Education.
"Nos livres ne sont pas là pour inciter à la haine mais pour enseigner.
Personne ne peut faire l'impasse sur son histoire et notre programme est
donc palestinien, national et s'inscrit dans notre environnement
quotidien", qui est celui de l'occupation depuis 50 ans des Territoires
palestiniens par l'armée israélienne, explique-t-il.
Au collège Amine al-Husseini, chaque élève a un proche blessé ou détenu par Israël.
La "Palestine historique" -- qui comprenait les Territoires palestiniens
et Israël-- est bien enseignée aux enfants "car c'est notre Histoire et
c'était notre terre", ajoute-t-il. Depuis la fin des années 1980, la
direction palestinienne a toutefois reconnu l'existence d'Israël.
Et les programmes scolaires sont soumis aux bailleurs internationaux qui financent l'Autorité palestinienne.
L'UNESCO juge dans un rapport que rien, dans les programmes palestiniens
soumis à son examen, ne soutient l'accusation d'antisémitisme ou
d'incitation à la haine contre Israël.
Ces programmes sont en vigueur dans l'ensemble des écoles, en
Cisjordanie, dans la bande de Gaza tenue par le Hamas islamiste ainsi
que dans les établissements de l'ONU.
Les Palestiniens accusent eux les programmes israéliens d'enseigner la
haine. M. Zeid évoque "des exercices de mathématiques mettant en scène
des soldats".
"Devrait-on écrire des odes aux Israéliens et à l'occupation?", demande Ziad Khadach, enseignant au collège Amine al-Husseini.
Alors qu'une vague d'attaques, généralement menées par des jeunes
Palestiniens isolés, a coûté la vie à 256 Palestiniens et 40 Israéliens
depuis l'automne 2015, le gouvernement israélien blâme l'enseignement,
les réseaux sociaux et des programmes télévisés incitant à la haine des
juifs.
Mais, rétorque M. Zeid, ce n'est pas l'école qui pourrait inciter à la haine mais les conditions de vie des Palestiniens.
La Cisjordanie est occupée par l'Etat hébreu depuis 50 ans. Le
territoire est quadrillé par les check-points de l'armée, largement muré
à l'ouest par la barrière de sécurité israélienne et parsemé de
colonies israéliennes illégales au regard du droit international.
Pour se rendre à l'école, certains enfants palestiniens sont contraints à
d'importants détours en raison des check-points ou pour éviter les
agressions de colons.
Dans la Bande de Gaza, sous blocus israélien et ravagée par trois
guerres depuis 2008, 24 écoles ont été détruites entièrement lors du
dernier conflit en 2014 et 190 autres endommagées.
Dans certains établissements, trois roulements par jour ont lieu pour
accueillir tous les élèves. Des centaines de milliers d'entre eux ont
besoin d'un soutien psychologique, selon l'ONU.
Pour les enfants palestiniens et israéliens qui ont grandi avec le
conflit, ce qui manque, c'est "la mention de la culture de l'autre" dans
les programmes scolaires, relève Sami Adouan, chercheur en sciences de
l'Education.
"Les cas de déshumanisation et de diabolisation de l'autre sont rares
dans les deux programmes", a relevé son équipe israélo-palestinienne qui
a étudié les curricula. Mais "les livres israéliens et palestiniens
renferment des récits nationaux unilatéraux qui présentent l'autre comme
l'ennemi".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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