Des squats sur les toits d'immeubles du centre-ville de Casablanca, le 4 février 2017 (Afp)
Ici pas de penthouse ou de luxueux duplex baignés de lumière, mais des
logements de fortune perchés loin des regards, sur les toits d'immeubles
du centre-ville de Casablanca.
Symbole d'une crise du logement qui frappe la plus grande ville du
Maroc, embouteillée et effervescente, ces squats sur les toits-terrasses
du vieux "Casa" témoignent aussi de la désaffection d'un patrimoine
architectural unique.
Invisibles à hauteur d'homme dans le grouillement du quotidien, ces
habitats clandestins frappent le regard dès que l'on atteint les
hauteurs des immeubles du centre-ville: bricolés en tôles, planches de
bois et sacs plastiques, ils trônent sur des bâtiments datant pour la
plupart du début du XXe siècle.
"Ces squats, ce sont les métastases ou les excroissances du
centre-ville", regrette Rachid Andaloussi, architecte et président de
Casamémoire, association de sauvegarde du patrimoine architectural du
XXe siècle au Maroc.
"En l'absence d'un cadre juridique contraignant, l'informel vient se
greffer et s'épanouir. Dans le centre-ville de Casablanca, il se
matérialise par l'occupation d'espaces souvent emblématiques et
prestigieux de la ville, mais, disons, abandonnés", explique-t-il à
l'AFP.
Sous ces logements non réglementaires se trouvent des immeubles qui
"racontent l'histoire d'une ville considérée comme un musée à ciel
ouvert et qui a été à une certaine époque à l'avant-garde mondiale de
l'architecture", souligne M. Andaloussi.
Casablanca (la "ville blanche" en espagnol) a été la tête de pont du colonisateur français au début du XXe siècle.
A la demande du résident général Hubert Lyautey, l'architecte et
urbaniste Henri Prost présente le premier plan d'aménagement en 1915. Il
fait appel à des architectes et urbanistes internationaux, surtout
français, qui construisent dans les années 1920 et 30 ce qui deviendra
le "poumon économique" du pays.
S'inspirant des courants Art déco et Art nouveau en vogue en Europe,
tout en y ajoutant des ornements marocains traditionnels, zelliges,
stucs ou sculptures de bois de cèdre, ils créent un style original qui
deviendra la marque de fabrique de cette ville rendue célèbre par le
film éponyme (1942).
On leur doit par exemple l'immeuble Liberté, qui fut à sa construction
entre 1949 et 1951 le premier gratte-ciel d'Afrique du nord ou encore la
Wilaya, ex-hôtel de ville, dont l'architecture "néo-chérifienne" est
caractéristique des bâtiments administratifs du Maroc sous le
protectorat français (1912-1956).
"Le centre-ville de Casa est un haut lieu de l'architecture et de
l'urbanisme, avec un foisonnement de styles néo-mauresque, art déco ou
moderniste", résume l'architecte Driss Kettani.
Mais le vieux Casablanca n'est plus ce qu'il était, son patrimoine
architectural étant menacé par la négligence et la spéculation
immobilière.
"Ce qui était encore le centre incontestable de la ville il y a quelques
décennies a pâti d'un manque d'entretien et de la désaffection
progressive des commerces et des professions libérales", explique M.
Kettani.
Les appartements y sont souvent occupés par des locataires qui paient
des "loyers dérisoires" et personne ne prend soin de ces immeubles.
Rachid Andaloussi, le président de Casamémoire, regrette l'"absence
d'organisation dans ces bâtiments, abandonnés par des propriétaires
lassés de les voir se dégrader". "D'où les squats, le linge aux
fenêtres, les paraboles qui se greffent sur les façades, les câbles qui
s’entremêlent. Ces bâtiments expriment leur malheur", dit-il.
Les squats dans la capitale économique du Maroc sont aussi le reflet d'une crise du logement.
"Destination par excellence des grands flux migratoires internes des
années 1960, 70 et 80, la ville a subi au fil des années une pression
urbanistique sans équivalent" dans l'histoire marocaine, décrypte pour
l'AFP Mostafa Kheireddine, urbaniste et chercheur.
"L'espace métropolitain casablancais a cristallisé toutes les tensions
sociales dans les années 1980. Et la qualité urbaine n'a pas été érigée
en priorité", ajoute-t-il.
Mais les temps changent. Une stratégie de rénovation a été lancée il y a
quelques années, après "la prise de conscience de l'extraordinaire
potentiel de cette partie de la ville", se réjouit M. Kettani.
L'arrivée du tramway dans les rues a revalorisé le centre-ville, où les
prix de la pierre ont augmenté. Et, nouveau phénomène palpable, les
propriétaires aisés sont de plus en plus nombreux à y investir et
commencent à se réapproprier le vieux Casa.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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