L'écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani présente son roman "Chanson
douce", le 5 novembre 2016 à Brive-la-Gaillarde, en France (Afp)
Riche et singulière, la littérature marocaine fait face à la rareté du
lectorat et à un marché du livre qui peine à décoller, alors que le
royaume est l'invité d'honneur du 34e salon du Livre à Paris.
"La littérature marocaine a les pouvoirs d'attraction d'un
kaléidoscope", résumait l'écrivain et acerbe critique littéraire Salim
Jay.
Dans ce "kaléidoscope", "tous les thèmes sont présents, se télescopent,
se renforcent", résume pour l'AFP l'auteur Fouad Laroui, prix Goncourt
de la nouvelle 2013, qui aime épingler avec humour et tendresse les
travers de sa société natale.
A Paris, le plus important évènement dédié au livre en France va voir
défiler une trentaine d'auteurs marocains, parmi lesquels la désormais
incontournable Leïla Slimani, prix Goncourt pour "Chanson douce"
(Gallimard), Tahar Ben Jelloun (ancien lauréat de ce prix et membre de
l'académie Goncourt), le grand poète et romancier Abdellatif Laâbi ou
encore les nouveaux talents Reda Dalil et Maria Guessous.
Ils ont en commun d'utiliser comme langue d'écriture le français, ce
"butin de guerre" selon l'expression de l'emblématique écrivain algérien
Yassine Kateb.
Mais la littérature marocaine ne se résume cependant pas à ses auteurs francophones.
Arabe classique, dialectal, berbère... "Le caractère vraiment spécifique
de la littérature marocaine est qu'elle s'exprime en plusieurs langues.
On dirait que nous n'avons pas vraiment de langue nationale. C'est
curieux et unique", se réjouit Fouad Laroui.
Du côté francophone, il y a Ahmed Sefrioui, souvent considéré comme le
premier écrivain marocain d'expression française, Driss Chraibi, qui l'a
définitivement fait entrer dans la modernité, et Tahar Ben Jelloun qui a
largement contribué à son succès.
En arabe, ce sont entre autres Mohamed Choukri, qui a fait scandale avec
son picaresque "Pain nu", Mohamed Zafzaf ou encore Mohamed Aziz
Lahbabi, premier écrivain arabe à être pressenti pour le prix Nobel de
littérature.
Et il y a quelques auteurs expérimentant l'écriture en darija, l'arabe
dialectal marocain, comme Youssouf Amine Elalamy et Mohamed Berrada.
"Dans la littérature marocaine de langue française, (...) l'expression
n'est pas forcément française", remarque pour l'AFP Jean Zaganiaris,
sociologue et écrivain français établi au Maroc.
Les auteurs marocains "combinent dans leur tête le français, l'arabe
dialectal ou l'amazigh (berbère, ndlr). Et ils jouent avec cela",
décrypte-t-il.
Relativement récente, la production littéraire marocaine est passée par
plusieurs phases, depuis ses débuts il y a moins d'un siècle.
La première génération d'auteurs "se demandait quelle voie le Maroc
devait prendre après la fin du protectorat", raconte Fouad Laroui. "Qui
étions-nous, au fond?"
La deuxième génération, regroupée autour de la revue contestataire
Souffles, s'est impliquée dans le combat politique et social durant les
années de plomb et la répression menée par le roi Hassan II.
"Une troisième génération, celle des années 1980, s'est intéressée à des
thèmes plus spécifiques. Il y a eu une littérature féminine, de
l'individu, carcérale...", toujours selon M. Laroui.
Mais la littérature marocaine a un double problème: un lectorat très
limité et un marché du livre qui ne suit pas, avec à peine 3.000 titres
publiés par an.
Dans ce pays où l'on voit rarement les gens lire dans les transports en
commun ou les terrasses de café, près des deux tiers des Marocains n'ont
acheté aucun livre en un an, selon une enquête de l'association locale
Racines.
"Un livre qui s'est très bien vendu au Maroc, c'est 2.000 à 3.000
exemplaires", fait savoir M. Zaganiaris, selon qui il existe un problème
de distribution, mais aussi de promotion des lieux culturels.
"Si les Marocains ne lisent pas, c'est parce qu'il n'y a pas
suffisamment de librairies dans le pays (...) ou de bibliothèques dans
les écoles", abonde l'éditeur Abdelkader Retnani, qui regrette aussi
l'absence cette semaine à Paris de certains de "nos excellents
sociologues, anthropologues et universitaires".
En janvier, des auteurs et éditeurs marocains avaient critiqué le
caractère "antidémocratique"de la sélection du ministère de la Culture
pour le salon du Livre.
Mais ce salon reste "une occasion de montrer que nous avons du talent", se réjouit M. Retnani.
Auteurs et éditeurs marocains "vont avoir une grande visibilité pendant
quelques jours. À eux d'en profiter!", conclut Fouad Laroui.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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