L’opposition syrienne n’a cessé de répéter depuis le début que le
conflit en cours en Syrie n’était pas une guerre civile entre
communautés, mais une révolution populaire contre Bachar el-Assad. Si
les premières manifestations pacifiques contre le président syrien
accréditaient cette thèse, l’inévitable militarisation du conflit, suite
logique de l’incapacité de la communauté internationale à empêcher le
bain de sang, a inexorablement plongé le pays dans une véritable guerre
civile. Et Bachar el-Assad et ses soldats étant majoritairement issus de
la minorité alaouite, face à des opposants en grande partie sunnites,
le conflit confessionnel était inévitable.
Un nouvel incident survenu mardi dans le village d’Aqrab, à 40 km de la
ville de Hama, en a apporté la preuve. Entre 125 et 150 personnes
habitant le quartier alaouite d’Akrad Ibrahim ont été visées par des
explosions, révèle l’Observatoire syrien des droits de l’homme. "Ce
n’est pas un massacre", affirme Rami Abdel Rahmane, directeur de
l’institut qui s’appuie sur un vaste réseau d’observateurs et de
militants sur la Syrie, devenant la principale source des médias
occidentaux en l’absence de journalistes sur le terrain. "Nous ne
pouvons déterminer le nombre exact de morts. Toutefois, nous pouvons
confirmer que des explosions ont bien eu lieu à l’extérieur des
immeubles abritant la communauté alaouite", ajoute le militant.
Plusieurs versions contradictoires évoquent cette tragédie. Des vidéos
postées sur YouTube et traduites par l’AFP mettent en scène deux jeunes
adolescents blessés dans l’attaque, probablement issus de la minorité
alaouite. Allongés sous des couvertures et visiblement choqués, ils sont
interrogés par des militants : "Des chabbihas (miliciens pro-régime)
sont venus en disant on vient pour vous protéger des rebelles, et ils
nous ont empêchés de sortir de nos maisons, ils ont tué mon père, ma
mère et mon frère", raconte en bégayant l’un d’entre eux, qui dit
s’appeler Mohamed.
De leur côté, les réseaux de militants des Comités locaux de
coordination (LCC) et la Commission générale de la révolution syrienne
(CGRS) ont affirmé que les explosions avaient été provoquées par un
bombardement mené par les chars de l’armée gouvernementale, rapporte
l’AFP. "L’armée syrienne n’a rien à voir avec l’incident d’Aqrab, peste
Rami Abdel Rahmane. L’armée syrienne ne peut plus pénétrer dans ce
village." D’après le militant, les 150 civils alaouites du quartier
d’Akrad Ibrahim sont protégés par 10 combattants rebelles appartenant
eux-mêmes à la minorité.
"Nous possédons trois versions différentes de ce qui s’est passé et nous
ne pouvons les confirmer, confie-t-il. La plus plausible demeure la
thèse de combats entre soldats rebelles." D’après Rami Abdel Rahmane,
deux cheikhs (religieux) sunnites se sont tout d’abord rendus dans le
quartier afin de convaincre les populations alaouites de quitter les
immeubles où elles sont réfugiées. "Le conflit a éclaté après
l’arrestation des 2 cheikhs par les 10 combattants rebelles alaouites,
sans que l’on en comprenne la raison", explique le militant.
Dès lors, des rebelles sunnites de la vile d’Al-Houla, qui s’étaient
approvisionnés en armes lourdes dans l’attaque d’un poste de contrôle de
l’armée régulière deux semaines plus tôt, se seraient vengés. "Nous
pouvons confirmer la mort de deux soldats rebelles sunnites d’Al-Houla
ainsi que d’un des deux cheikhs, assure Rami Abdel Rahmane. Mais nous ne
connaissons pas le nombre de civils tués, qui n’est certainement pas
élevé." La ville d’Al-Houla, dont sont originaires les combattants
sunnites, a été elle-même victime d’un bain de sang, le 25 mai dernier.
Cent huit personnes, dont quarante-neuf enfants et trente-quatre femmes,
y avaient été massacrées.
Tandis que l’Observatoire syrien des droits de l’homme, puis l’ONU,
avait imputé la tuerie aux militaires du régime syrien, un journal
allemand, le Frankfurter Allgemeine Zeitung, avait, lui, accusé les
soldats de l’Armée syrienne libre. Cette thèse avait alors était
accueillie à bras ouverts par Damas, qui y voyait là la confirmation de
sa théorie selon laquelle des "groupes terroristes" sèment le chaos dans
le pays depuis 21 mois. Étonnamment, la télévision d’État s’est bien
gardée cette fois d’évoquer la tuerie d’Aqrab.
"Ce sont les chabbihas du régime qui ont allumé la mèche du conflit
confessionnel en Syrie en attaquant les premiers des mosquées sunnites,
le 10 avril 2011, dans la ville de Baniyas", rappelle Rami Abdul
Rahmane. "Aujourd’hui, si, pour la première fois, des populations
alaouites sont visées en Syrie, d’autres communautés font les frais du
conflit depuis des mois, souligne le militant. À force de mettre
l’accent sur la question confessionnelle, les médias arabes du Golfe ont
changé le conflit d’une lutte pour la démocratie en combat pour un État
islamique."
(12 Décembre 2012 - Armin Arefi)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire