Les Européens l’appellent « Jaffa », mais son vrai nom est Yafa. Il y
a quelques jours, Livni, ministre sioniste, s’est plainte que les
Palestiniens continuent à appeler leurs villes par leurs noms d’origine.
Yafa donc, dont les racines plongent loin dans l’histoire de
l’humanité, est en train d’être massacrée, mais l’UNESCO et la
« communauté internationale » dominée par l’argent et les armes, ont
décidé de laisser faire. L’occupation sioniste de la ville, qui se
poursuit depuis 1948, n’est rien d’autre qu’un massacre civilisationnel
par des colons venus d’ailleurs.
Le premier assassinat de la « mariée de la mer », surnom donné à
Yafa, date de la Nakba palestinienne, en 1948, lorsque les bandes armées
sionistes sèment la terreur dans la ville, tuant et massacrant, pour
obliger ses habitants à fuir. Avant 1948, la ville-port de Yafa abritait
près de 100.000 Palestiniens. Après les massacres et l’expulsion, ils
n’étaient plus que 3500. Cette épuration ethnique de la ville
arabo-musulmane n’aurait pu s’accomplir sans la participation active de
l’occupant britannique, qui considérait d’ailleurs la population
autochtone du pays, les Palestiniens, comme étant les « non-juifs » dont
il fallait régler la situation. Si l’occupant britannique a offert le
cadre juridique, étatique et militaire de la Nakba, celle-ci fut commise
par l’institution sioniste et ses multiples bandes armées.
Avant même l’occupation britannique en 1920, Yafa était une grande
ville portuaire ouverte sur le monde méditerranéen. Malgré le massacre
commis par l’armée napoléonienne en 1799, où périrent 4000 de ses
habitants, la ville parvint à surmonter cet épisode grâce à la stabilité
politique relative qui y régna au XIXème siècle, après le départ de
l’armée française. De petite ville côtière, la ville de Yafa devint une
métropole marchande, reliant la ville d’al-Quds et l’intérieur
palestinien à la mer. Son expansion économique (de nombreuses
industries) attira de nombreux émigrés égyptiens et ses quartiers se
multiplièrent, brisant l’enceinte antique qui la protégeait. Les
orangers qui l’entouraient contribuèrent à sa renommée, et les oranges
de « Jaffa » étaient transportés par ses chalutiers, d’abord, puis par
les grandes compagnies maritimes de l’époque. Cette expansion contribua à
l’essor d’une vie socio-culturelle, sportive, politique et artistique à
Yafa, où mosquées et églises rassemblaient les fidèles, et où hôpitaux,
écoles, cinémas, théâtres et cafés côtoyaient les maisons d’édition et
les imprimeries, les clubs de jeunesse et les équipes sportives. C’est
de Yafa que s’élançèrent les premières manifestations contre
l’occupation britannique, et ce sont les clubs islamo-chrétiens de Yafa
qui dénoncèrent en premier le danger sioniste visant la Palestine.
Puis ce fut l’invasion et la Nakba, c’est-à-dire les massacres et les
expulsions, mais aussi les bombardements et les attentats terroristes.
Les colons juifs qui débarquèrent, des pays du Maghreb ou des Balkans,
furent installés dans les maisons palestiniennes, alors que les
survivants de la Nakba étaient parqués dans quelques quartiers et soumis
au régime militaire pendant un an : nul ne pouvait se déplacer, sans
autorisation spéciale militaire dans ces quartiers assiégés séparés du
reste de la ville et du pays. Beaucoup de familles palestiniennes
avaient cependant leurs propres maisons dans d’autres quartiers.
Celles-ci furent confisquées avec tous les biens, terrains ou maisons,
des Palestiniens réfugiés ou jugés absents, bien qu’ils fussent présents
dans le pays.
Le second assassinat consista à réduire la ville prestigieuse de Yafa
à un faubourg pauvre de la colonie Tel Aviv, devenue la capitale de
l’Etat colonial. Jusqu’aux années 90, la ville de Yafa, asphyxiée par
les colonies environnantes, fut abandonnée non par les Palestiniens,
mais par l’administration coloniale qui a préféré développer la colonie
Tel Aviv, entièrement juive, au dépend de ce faubourg où vivent des
Palestiniens. Il fut interdit aux Palestiniens de rénover leurs maisons,
dans l’attente qu’elles tombent en ruine, pour les déloger. C’est le
même principe appliqué dans tout le territoire occupé en 1948, puis plus
tard dans la partie Est de la ville d’al-Quds, le but étant de
regrouper les Palestiniens dans des espaces de plus en plus réduits, en
fonction de l’appétit colonial.
Les sionistes appellent les villes qu’ils ont épurées à 90 ou 95%,
des « villes mixtes » alors qu’en fait, ce sont des villes
arabo-palestiniennes épurées ethniquement et colonisées, et où les
colons vivent dans des quartiers séparés des Palestiniens : l’apartheid
« israélien » a fonctionné avant 1967. Même encerlée, la population
palestinienne a subi l’assaut de la judaïsation. Les noms des rues et
des quartiers furent changés, tentative pour masquer et détruire le
caractère arabo-musulman de la ville.
Le troisième assassinat de Yafa, qui se poursuit jusqu’à présent,
consiste à envahir et judaïser les quelques quartiers encore arabes, en
chassant sa population, pour les transformer en « vitrine maritime de
Tel Aviv ». La libéralisation économique va de pair, dans l’entité
coloniale, avec la montée de l’extrémisme juif et raciste, qui s’invente
un passé à Yafa et en Palestine plus généralement, pour confirmer la
conquête territoriale. Depuis les années 90, les bras de la judaïsation
s’acharnent à déloger les Palestiniens, par des moyens directs ou
indirects, pour rénover les quartiers restés palestiniens et y bâtir des
immeubles de luxe, donnant sur la mer, au moment où les groupes
d’extrémistes juifs lancent des bombes, profanent les cimetières
musulmans et chrétiens, les mosquées et les églises, menacent les
Palestiniens de Yafa dans des parades racistes en plein centre de la
ville.
Les pêcheurs de Yafa luttent contre les yachts touristiques et les
navires détenus par les riches négociants de la colonie Tel Aviv,
voulant maintenir à tout prix leurs moyens de subsistance. Ils ont
résisté aux pressions, seuls et sans appui, et ont gardé leur espace
maritime, pourtant réduit aux trois-quart. Les jeunes de Yafa, ainsi que
les divers partis politiques arabes, relèvent la tête et refusent de
livrer leur ville aux projets concoctés par la municipalité
« Tel-Aviv-Jaffa ». Ils se réapproprient leur espace, toute la ville,
avec l’aide des historiens et autres académiciens, qui ont mis leur
savoir au service de leur cause. Depuis plusieurs années déjà, les
visites guidées ont remis en avant le passé arabo-musulman de la ville
et les initiatives des jeunes, organisés ou pas dans les mouvements
politiques, prolifèrent. Comme dans d’autres villes « mixtes », la
jeunesse palestinienne s’est radicalisée dans la lutte contre
l’entreprise sioniste et manifeste son appartenance et sa soif de
liberté.
Dans l’exil, les réfugiés de Yafa affirment, non seulement leur
attachement encore vif à leur ville, mais leur volonté d’y retourner,
comme l’a fait Hassan Higazi,originaire de Yafa, le 15 mai 2011, lors de
la « marche du retour ». Qu’ils soient dans les camps de réfugiés ou
dans les pays de l’exil, les réfugiés de Yafa ont décidé que leur retour
au pays libéré est inévitable. L’état colonial et ses colons qui n’ont
aucune racine dans le pays, ne peuvent s’opposer à la marche de
l’histoire et la justice.
(05-02-2014 - Fadwa Nassar)
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