Quand le pape François se rendra en pèlerinage en mai à Bethléem, il
apercevra le toit de la basilique de la Nativité couvert d’échafaudages,
symbole de la volonté de restaurer l’unité entre les Églises qui se la
partagent. Bâti au IVe siècle par l’empereur romain Constantin et
réaménagé par Justinien au VIe siècle, le monument est en pleine
rénovation depuis la mi-septembre. Sa restauration complète est évaluée à
15 millions d’euros.
Après un accord historique entre l’Autorité palestinienne, d’un côté, et
les trois Églises (orthodoxe, catholique et arménienne) qui
administrent, dans une cohabitation parfois difficile, la basilique
érigée à l’endroit où, selon la tradition, est né le Christ, il a été
décidé de réparer en priorité le toit. La charpente pourrissante - une
structure de 20 tonnes - n’avait pas été entretenue depuis 200 ans.
La partie la plus ancienne date de 1470
L’ouvrage a été confié à une entreprise familiale de Toscane (Italie),
spécialisée dans la préservation des charpentes anciennes, pour un coût
de 1,9 million d’euros. "Attaqué par des champignons et les
infiltrations d’eau, le bois s’arrache facilement à certains endroits",
explique le restaurateur italien Marcello Piacenti. "Le projet est de
conserver au mieux ce qui est conservable, comme la poutre de la nef
centrale. On va réutiliser le bois de la toiture. 80 % à 90 % du toit
seront conservés." Le reste du bois nécessaire est arrivé d’Italie début
janvier. Il a fallu retrouver des réserves de bois homogène ancien de
trois ou quatre siècles, de la même couleur et la même densité que les
poutres.
La partie la plus ancienne date de 1470. Les franciscains, gardiens des
lieux saints au nom de l’Église catholique, firent alors venir par
bateau de Venise du mélèze offert par les souverains européens, un
résineux résistant aux intempéries. Au XIXe siècle, l’Église grecque
orthodoxe refit le gros de la toiture avec du chêne d’Anatolie, un bois
de la région, comme le cèdre du Liban utilisé avant 1300.
"Entre les lames de plomb (de la toiture) et la charpente, on va mettre
un feutre étanche qui garantit contre la condensation d’eau et la
chaleur", explique Marcello Piacenti, à la tête d’une équipe
italo-palestinienne. Il s’agit aussi de protéger de magnifiques
mosaïques des croisades et des fresques médiévales. Tout en haut, sous
un drap blanc, resplendit à la lumière d’un projecteur un ange doré de
style byzantin. La première phase doit prendre fin en septembre 2014.
Patrimoine commun
"C’est une bénédiction d’avoir attendu. Il y a un siècle, les Grecs, les
Arméniens et les Franciscains auraient tout fait sauter. On aurait
voulu faire du propre, faire le ménage. On a un bâtiment qui n’a pas
évolué, c’est pour cela qu’il faut le sauver", plaide frère Stéphane
Milovitch, représentant de la Custodie franciscaine de Terre sainte et
ancien gardien de la basilique. Pour lui, la basilique de la Nativité
est un patrimoine commun à toutes les Églises de Terre sainte : "On a un
credo commun, une foi commune. Au lieu d’une Église de division, il y a
l’Église qui crie l’unité."
Situées en Cisjordanie, "l’Église de la Nativité et la route de
pèlerinage de Bethléem" ont été inscrites en urgence au patrimoine
mondial de l’Unesco en juin 2012 au nom de la Palestine, malgré
l’opposition d’Israël et des États-Unis. L’enjeu n’est pas seulement
patrimonial, religieux ou touristique, mais également politique, puisque
la ville de Bethléem, qui accueille deux millions de visiteurs par an,
est située en zone autonome palestinienne. "L’Autorité nationale
palestinienne est intervenue avec la bénédiction des trois Églises. Les
Églises coopèrent très bien avec nous", affirme Ziad Bandak, chef de la
commission présidentielle pour la rénovation de la basilique.
Les frais de la toiture sont couverts par l’Autorité (à hauteur de 740
000 euros) et le secteur privé palestinien, ainsi que par des dons de
Hongrie, de France, du Vatican, de Grèce et de Russie. "C’est une église
sacrée qui a connu beaucoup de bouleversements au long des siècles, des
guerres, des tremblements de terre, jusqu’au siège israélien de 2002,
dont on voit des traces de shrapnels, de balles et de grenades
lacrymogènes. À chaque fois, on découvre des choses cachées", raconte
Ziad Bandak. "Nous sommes ici pour rester. Si ça se trouve, ma famille a
été la baby-sitter de la Vierge Marie", dit-il en riant.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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