dimanche 9 décembre 2012

Liban : Les initiatives se multiplient pour défendre le régime confessionnel Mais comment défendre la patrie ? ( Marie Nassif-Debs )

Beaucoup de bruit, mais aucune trace de farine… Tel est notre problème avec la classe dominante, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du gouvernement. En effet, toutes les parties qui constituent cette classe et qui n’ont pas manqué d’utiliser la corruption sous toutes ses formes ou, même, de recourir à leur arme de prédilection, la guerre civile, nous parlent, depuis quelque temps, de sagesse et nous bombardent d’un flux d’initiatives dont le but, nous disent-ils, est de sortir le pays de l’impasse dans laquelle ils sont coincés, et nous avec eux. Surtout qu’ils ont réussi l’exploit de transformer la situation intérieure en une guerre civile latente, passible d’exploser à tout moment.
Il nous faudra ajouter, en ce qui concerne ces soi-disant initiatives, vendues assez cher au marché de la politique libanaise, qu’elles ont pour point de départ, directement ou indirectement, la crise syrienne. Et, comme cette crise présente beaucoup de complications, non seulement à cause de la guerre intestine qui s’y déroule mais aussi parce que ceux qui en tirent les ficelles sur le plan international ne sont pas pressés d’y mettre un terme final, le Liban et son peuple doivent s’attendre à de nouvelles explosions semblables à celles qu’ils ont endurées à la suite de l’assassinat du général Wissam Al Haçan. C’est peut-être pour cette raison que le député Walid Joumblatt a appelé au respect des accords passés entre les Libanais (entendre « les leaders des confessions libanaises ») et à éviter de s’immiscer dans les affaires intérieures syriennes.

La « Table du dialogue »… et le conflit réel
Cependant, cet appel comme tous ceux lancés dans le but de retourner à la table du dialogue interconfessionnel ou, même au sein du parlement, ne dépasse pas le fait d’être des vœux pieux. Parce que ceux qui sont derrière savent bien que de tels vœux ne peuvent se réaliser ; et cela pour des raisons multiples créés par eux et dont la plus importante réside dans l’essence même du régime confessionnel et, aussi, dans son fonctionnement.
En premier lieu le droit de veto accordé aux leaders des confessions (les émirs des taifas) et la répartition du pouvoir entre eux, à commencer par les statuts personnels qu’ils régissent afin de mieux diviser les Libanais sur tous les plans de leur vie personnelle, familiale et sociale, mais aussi sur le plan du pouvoir politique et de tous les privilèges qui en découlent ainsi que des appels demandant publiquement des tutelles multinationales sur le pays.
Et, si nous voulons traduire tout cela plus clairement, nous dirons que les positions prises tant par le gouvernement (dominé par le groupe dit du 8 mars) que par l’opposition (dite du 14 mars) en ce qui concerne la crise syrienne n’ont aucun trait avec la volonté de prémunir le Liban des dangers de guerre confessionnelle (entre sunnites et chiites). Elles constituent, plutôt, des positions attentistes et circonstancielles visant à geler la situation en attendant que se précisent les projets conçus, ça et là, contre la Syrie et son peuple mai aussi contre le peuple palestinien dans les territoires occupés et à l’extérieur. Il faudrait préciser que la politique du gouvernement libanais, saluée par certains gouvernements (européens en particulier) n’a pas pris en considération la nécessite de sauvegarder, ni aujourd’hui ni dans le futur proche ou lointain, l’unité nationale menacée… bien au contraire ; les parties en présence tentent de préparer le terrain qui pourrait leur être propice. Pour ce faire, elles tentent de mettre la main sur le plus grand nombre d’atouts (confessionnels et régionaux) et de profiter des failles contenues dans l’Accord de Taëf (1990).
Parmi ces failles, citons celle concernant la nouvelle répartition des parts du pouvoir politique entre les émirs des trois grandes confessions du pays (les maronites, les sunnites et les chiites). En effet, l’Accord de Taëf avait mis au point une nouvelle formule confessionnelle bipartite (sunnite-maronite au lieu de maronite-sunnite). Ce qui fait que le conflit que le Liban vit toujours est basé, pour les uns (la bourgeoisie d’origine maronite), sur la volonté de récupérer les privilèges perdus tandis que d’autres tentent soit d’agrandir leur part (la bourgeoisie d’origine chiite) ou de garder la situation telle qu’elle est actuellement (la bourgeoisie d’origine sunnite).

Le régime confessionnel s’est effondré
Et ses composantes tentent d’entrainer le pays dans leur chute Sur les bases de ce qui précède, nous dirons que la « Table du dialogue » entre les différentes factions de la bourgeoisie libanaise, couronnées d’auréoles confessionnelles, n’a pas fait avancer les choses, et l’insistance du président de la République à les réunir ne pourra pas prémunir le pays contre les vents étrangers, tant ceux venant du Golfe que ceux soufflant é partir des deux frontières, syrienne et israélienne.
Le régime confessionnel libanais est dans le coma ; et il n’est plus possible à la bourgeoisie libanaise de le ressusciter par le biais de nouvelles ou d’anciennes lois électorales basées sur des quotas confessionnels, même si tout l’argent produit par le Golfe arabique et aussi par le Golfe persique est mis à sa disposition.
Le régime à caractère confessionnel, établi par la bourgeoisie libanaise, est à deux doigts du gouffre. Et la bourgeoisie tente d’entrainer le pays à sa suite, suivant le célèbre mot de Louis XIV « Après moi, le déluge »… Parce que cette bourgeoisie continue, malgré toutes les menaces qui pèsent sur la paix civile, à suivre la voie menant à l’exacerbation des affrontements confessionnels et religieux, mais aussi au blocage de toute reforme nouvelle. Et, puisque la situation est très critique, tant sur le plan intérieur que régional, et que la classe dominante se trouve désormais dans l’impossibilité de réorganiser sa maison, cela veut dire que la guerre civile va, à nouveau, frapper à notre porte si nous n’y prenons pas garde, en utilisant tous les obstacles politiques et sociaux qui se trouvent entre nos mains. Et, c’est là que réside la complémentarité entre le rôle des forces politique de gauche et des forces syndicales démocratiques qui occupent actuellement la rue afin de défendre les droits des salariés, mais aussi de préserver le secteur public menacé.

Comment faire face à l’été brûlant qui se profile ?
De plus, quand nous parlons de guerre civile, nous ne pouvons pas oublier qu’en plus des éléments intérieurs, Israël est là, tout prêt à se venger des défaites infligées par la Résistance patriotique libanaise depuis 1982. Sans oublier que le projet avancé par Netanyahu et ayant pour titre « Israël, Etat des Juifs du monde » passe par les 450 000 refugiés palestiniens résidant au Liban et auxquels Israël refuse le droit au retour.
Toute cette analyse nous amène à réitérer ce que nous avions déjà dit et redit : l’été prochain ne manquera pas d’être chaud politiquement et militairement, à cause du recoupement entre des éléments régionaux et internationaux qui doivent se dérouler à partir de 2013 et jusqu’en 2014, à commencer par les élections israéliennes et aussi le retrait des troupes de l’OTAN hors de l’Afghanistan, mais surtout de la fin du mandat de Bachar Assad en Syrie.
Voila pourquoi la situation libanaise, déjà fragile, peut subir de nouveaux séismes imprévisibles mais violents et destructeurs. Et, si nous nous basons sur les expériences du passé, tant proche que lointain, nous pouvons dire que la bourgeoisie libanaise ne manquera pas de recourir une fois de plus à la tutelle de l’étranger, pensant qu’ainsi elle pourrait préserver ses intérêts et ses privilèges et s’octroyer un nouveau rôle.
D’où la nécessite de prendre les rennes en main, afin de consolider la paix civile et de garantir la souveraineté et l’indépendance de la patrie.

Marie Nassif-Debs
Article paru en arabe dans la revue « An Nidaa »
(Numéro du 30 Novembre 2012)

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