Yahya
Sinwar (2e à D), chef du Hamas à Gaza, tient dans ses bras le fils de
Mazen Faqha, au côté d'Ismail Haniyeh (G), le 27 mars 2017 à Gaza (Afp)
Après avoir ouvertement accusé Israël d'avoir assassiné l'un de ses
commandants militaires à Gaza, le Hamas palestinien ne semble guère
avoir d'autre choix que de riposter, la question étant où et comment,
selon des experts.
Répliquer depuis la bande de Gaza serait exposer à une nouvelle escalade
l'enclave recluse où Mazen Faqha, un commandant du bras armé du Hamas, a
succombé le 24 mars à une mystérieuse exécution, apparemment
minutieusement préparée.
La bande de Gaza ne s'est toujours pas remise des trois guerres livrées
avec Israël depuis que le Hamas a pris le contrôle du territoire il y a
dix ans. Ni le Hamas ni Israël ne semblent trouver un intérêt pour le
moment à une nouvelle confrontation majeure.
Reste au Hamas la possibilité de frapper en Cisjordanie, occupée par
l'armée israélienne et séparée de la bande de Gaza par le territoire
israélien, ou en Israël même.
Agé de 38 ans, M. Faqha a été abattu devant chez lui, de quatre balles à
bout portant. Pour le Hamas, le professionnalisme de l'opération
illustré par l'emploi d'un silencieux porte "la marque du Mossad", le
renseignement israélien.
D'autres pistes sont plausibles, comme celle de luttes intestines au
sein du Hamas, voire d'un règlement de compte de la part de salafistes
rivaux du Hamas.
Cependant Israël fait un suspect évident. Il accusait Mazen Faqha d'être
le cerveau de plusieurs attentats suicide meurtriers au cours de la
deuxième Intifada (2000-2005). En agissant en pleine bande de Gaza,
entièrement sous la coupe du Hamas et où aucun Israélien n'a intérêt à
s'aventurer, Israël montrerait qu'il peut atteindre son ennemi n'importe
où.
L'Etat hébreu observe un mutisme total. Il a éliminé par le passé
plusieurs figures du Hamas: Yahya Ayyash, cheikh Ahmed Yassine (le
fondateur du Hamas), Abdelaziz Rantissi ou Ahmed Jaabari. En décembre
2016, le Hamas imputait encore à Israël l'assassinat en Tunisie de
Mohamed Zaouari, décrit comme un spécialiste des drones, abattu au
volant de sa voiture.
Le Hamas a communément répondu par des tirs de roquettes. Cette fois
cependant, la riposte se fait attendre, constate Moustapha al-Saouaf,
ancien rédacteur en chef du journal Palestine, proche du Hamas. Le
mouvement islamiste "laisse planer un flou total", provoquant "une
véritable inquiétude d'Israël qui ne comprend pas ce que le Hamas veut
et peut faire", poursuit-il.
Dans les rues de Gaza, le désir de vengeance est tangible et des posters
géants en arabe et en hébreu montrant M. Faqha proclament: "On récolte
ce que l'on sème".
Le mouvement islamiste s'est toutefois gardé de préciser ses intentions.
Yahya Sinouar, élu récemment à la tête du Hamas dans la bande de Gaza,
est resté muet. Son ascension marque la montée en puissance des
militaires face aux politiques au sein du Hamas.
Si c'est Israël qui a éliminé Mazen Faqha, son intention était-elle de
délivrer un message au nouveau venu? Le Hamas dispose d'un éventail de
moyens de rétorsion. Il peut provoquer "des affrontements directs,
revenir aux attentats suicide ou tenter d'assassiner une personnalité
politique ou militaire", avance M. Saouaf.
Sur les réseaux sociaux palestiniens circulent des vidéos montrant plusieurs responsables israéliens dans un viseur de fusil.
La réponse militaire viendra de Cisjordanie car elle est, avec le
territoire israélien, "un front possible", affirme Hamza Abou Chanab,
spécialiste des mouvements palestiniens. A la différence de Gaza où plus
aucun Israélien n'entre depuis 2005, la lutte directe est possible en
Cisjordanie, où vivent plus de 400.000 colons israéliens, note-t-il.
Le Hamas semble emprunter pour le moment "le modèle du Hezbollah: c'est
lui qui choisit quand et comment il veut répondre à Israël", affirme
Moukhaïmer Abou Saada, politologue gazaoui.
Côté israélien, les experts disent déceler de "nouvelles règles du jeu".
Yossi Melman, spécialiste des questions de renseignement, estimait dans
le quotidien Maariv que "si Israël est effectivement parvenu à
assassiner un commandant du Hamas sans laisser de trace, cela
signifierait qu'il a décidé d'opter pour une approche plus offensive".
Toutefois, en gardant le silence alors que par le passé il a revendiqué
des assassinats ciblés, Israël "laisse au Hamas la possibilité de faire
preuve de retenue", assure le quotidien Haaretz.
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