Depuis près de deux semaines, soit depuis que le secrétaire général
du Hezbollah, sayyid Hassan Nasrullah, a déclaré que la résistance
islamique participera à la guerre en Syrie, et plus précisément dans la
région syrienne frontalière de la Bekaa, le Hezbollah ne serait plus
qu’une « officine iranienne », qui exécute l’agenda iranien dans la
région, tout comme il ne serait plus un parti de résistance, mais juste
une milice, shi’ite de surcroît, utilisée pour combattre les sunnites
syriens, et même le sunnisme en général. La lutte contre l’ennemi
sioniste n’aurait été qu’un épisode accidentel dans le parcours de ce
parti. Ces mêmes voix s’indignent de ce qu’ils considèrent comme une
« intervention étrangère » dans le conflit syrien, qui risque
semble-t-il, d’élargir le champ du conflit vers le Liban et la région.
C’est grosso modo ce qu’on peut lire dans certains articles,
certaines lettres et déclarations de musulmans, arabes et non arabes, ou
même de non musulmans, arabes ou non arabes. Une large propagande est
lancée, surtout après le discours du sayyid le 25 mai dernier, pour
discréditer le Hezbollah, devenu, surtout après la résistance contre la
guerre criminelle sioniste, un des principaux mouvements de résistance
au sionisme et son allié, l’impérialisme.
Lors de son discours, sayyid Nasrullah a bien expliqué le pourquoi de
son intervention et la limite de celle-ci, disant qu’il s’avère de plus
en plus, avec le développement du conflit syrien, que c’est la
résistance islamique qui est visée, le but étant d’anéantir tout ce qui
peut représenter une résistance au sionisme et à l’impérialisme dans la
région. Ce qui oblige la résistance à protéger son existence. D’autre
part, les bandes armées rebelles ne cessent, depuis plus d’un an, de
bombarder des villages frontaliers et les quelques villages syriens
frontaliers habités depuis des décennies par des Libanais, sont la cible
de ces bandes armées. Ni l’Etat libanais, ni l’armée libanaise, ne
protègent ces villages et villageois. Ce qui a nécessité l’intervention
du Hezbollah.
Ce discours n’a été ni entendu, ni compris par ceux qui ne veulent ni
entendre, ni comprendre car il est vrai qu’à un certain stade, on ferme
les yeux et on se bouche les oreilles, pour ne pas avoir à réfléchir, à
hésiter, à peser les choses, étant donné la complexité et les enjeux de
la situation.
Dès le début de la crise syrienne, dès les premières manifestations,
avant même que le Hezbollah ne prenne position ou se prononce, des
manifestants ont levé des pancartes hostiles au parti et lancé des
slogans contre l’Iran et le Hezbollah. Ce qui ne s’était passé ni en
Egypte, ni en Tunisie, à ma connaissance. Ce fut un signe avant-coureur,
pas plus. Mais quelques mois après, des dizaines, puis des centaines,
puis des milliers de musulmans venus d’Europe (France, Grande-Bretagne,
Belgique et Allemagne entre autres) et de pays arabes (Tunisie, Libye,
Yémen, Arabie saoudite, Qatar, Egypte, et Liban, entre autres) et
musulmans (Tchétchénie, Caucase, Turquie entre autres) ont débarqué pour
lutter, non seulement contre le régime syrien, mais contre le peuple
syrien et la Syrie en tant que pays arabe, pour instaurer un émirat
islamique. Les déclarations d’un ministre britannique craignant le
retour au pays de ces « combattants » expérimentés, la crainte des
pouvoirs tunisiens et les négociations entre la Tunisie révolutionnaire
et le régime syrien pour le rapatriement de ces « égarés », qui ont
abandonné familles, femmes et enfants parfois, répondant à l’appel de
quelques « illuminés », ont été ignorés. Et les Tchétchènes, pardi ! Ils
sont également en Syrie, pour combattre « au nom de Dieu » tout le
tissu social syrien, où chrétiens et musulmans, kurdes et arabes, forgé
depuis des millénaires sur la terre syrienne. Les Tchétchènes kidnappent
deux dignitaires religieux chrétiens à Alep, mais qui s’en émeut ? Une
dizaine de Libanais sont otages depuis plus d’un an d’un groupe armé, et
sont devenus un enjeu politique inter-libanais et inter-régional, la
Turquie et le Qatar, Saad Hariri et ses amis fixent les enchères de leur
remise en liberté, pendant qu’al-Jazeera (la chaîne qatarie) s’amuse à
jouer les intermédiaires. De quelle « révolution » parlons-nous ? Depuis
quand le peuple syrien porte-t-il ces « valeurs » barbares ?
Tout ce « beau monde » ne peut être pris pour une « intervention
étrangère », seul le Hezbollah l’est. L’intervention politique et
médiatique, l’envoi de matériel militaire et d’équipements sophistiqués,
l’envoi des services de renseignements, souvent par journalistes
interposés, par les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, la
Turquie, le Qatar, l’Arabie saoudite ne sont pas des « interventions
étrangères », seule la présence de combattants du Hezbollah l’est ! Et
sans parler du financement de ces rebelles !!!
Les hôpitaux de terrain ouverts dans la ville de Tripoli au nord,
pour accueillir les combattants blessés, syriens et autres, le retour
des cercueils de « combattants » libanais, enrôlés pour cette guerre, il
y a plusieurs mois, les multiples accrochages à la frontière entre
l’armée syrienne et les bandes armées venant du Liban, comprenant
d’ailleurs toutes sortes de nationalités, tout cela ne peut être
considéré comme une participation du Liban à la guerre en Syrie,
l’aéroport et les ports d’où débarquent des centaines d’étrangers, avant
de se rendre en Syrie, n’est pas une intervention du Liban dans la
guerre en Syrie. Il a juste suffi que le Hezbollah annonce qu’il mènera
une bataille précise, en expliquant pourquoi, pour que les médias, les
politiques, la Ligue arabe, les Etats-Unis et l’ONU se déclarent effarés
et crient « au loup » ! puisque le Hezbollah serait en train, d’après
eux, d’entraîner le Liban dans le conflit syrien, comme s’il n’y était
pas, en plein, depuis le commencement. Que les Libanais le disent, cela
fait partie du jeu politique, où toute déclaration peut être comprise à
dix niveaux différents. Mais que la Ligue arabe, l’ONU, et toute la
clique nauséabonde de l’impérialisme se mette à pérorer sur la
participation du Hezbollah ! L’hypocrisie est à son comble !
Dès le début du conflit syrien, les groupes armés venus de plusieurs
régions du monde participent à une guerre contre la Syrie et son
peuple ! L’opposition politique, qu’elle soit interne ou externe, ne
contrôle rien et n’a aucune prise sur la situation. Certes, il y a une
opposition financée par le Qatar et soutenue par la France, qui aboie et
menace, qui encourage les rebelles armés mais s’en désolidarise
lorsqu’il faut présenter ses lettres de créances à l’Union européenne,
afin de recevoir des armes et des sous. C’est cette opposition qui
applique les directives du sheikh sénile, basé à Qatar, qui a fait appel
aux Etats-Unis pour bombarder et finalement détruire la Libye puis à
présent, la Syrie, et qui ose lancer l’anathème contre des confessions
musulmanes, différentes de la sienne. Pour toute cette mouvance, le
Hezbollah serait une officine iranienne, puisqu’il est pour « Wali
al-Faqih », alors qu’il n’ont rien compris, ni au « wali al-Faqih » ni
au Hezbollah ! Il faudrait lire ou entendre ces sheikhs ou écrivains
pour réaliser l’ignorance crasse dans laquelle ils veulent nous plonger
et dans laquelle ils se complaisent ! Et les « spécialistes » en
politique, religion, Iran, Syrie, mouvements islamiques, et tout ce qui
s’ensuit, des chaînes françaises n’ont rien à leur envier. La
compétition est lancée pour savoir qui peut niveler au plus bas la
conscience des musulmans et des arabes. D’après cette mouvance, qui a
fermé les yeux et qui s’est bouché les oreilles, l’Iran serait l’ennemi.
C’est de nouveau le persan, le shi’ite, le « majous », l’ennemi, mais
des musulmans ? Pas seulement, il serait l’ennemi des Arabes, puisque le
nouveau discours joue sur la corde de l’arabité, qu’ils viennent de
découvrir, à Qatar et ailleurs. Qatar, ou l’Arabie saoudite, comme
chantres de l’arabité ? Il faut vraiment être acculturé pour y croire.
Et al-Qussayr, alors ? Al-Qussayr, ville syrienne très modeste, est
devenue du jour au lendemain le « stalingrad » des groupes armés
rebelles. Il est vrai qu’ils y avaient installé des milliers de
combattants et leurs familles, que c’était une place-forte de liaison et
d’accueil pour les groupes armés venant du Liban. Elle fut fortifiée
pour être le lieu d’où partent les attaques sur la région de Damas, vers
le sud, et vers le nord. Au-delà de l’importance accordée par les
rebelles à cette ville, parce qu’ils y ont accumulé les armes et creusé
les tunnels, sa prise par l’armée syrienne signifie aussi qu’elle peut
désormais couper la voie aux armes et aux groupes armés en provenance du
Liban, ce qui explique d’ailleurs toute cette propagande mensongère et
hypocrite des cercles de l’impérialisme. Dès les premiers jours de cette
bataille, l’armée syrienne avait ouvert un « corridor » pour la sortie
des civils, à peine quelques centaines. Ensuite, il n’y eut que des
combattants et leurs pertes furent très lourdes, en humains et en
matériels. Ils ont aussi perdu la ville, et toutes les possibilités qui y
étaient offertes.
De nouveau, les mensonges et la propagande. Certains ont voulu nous
faire croire à des massacres. Qui fut massacré ? Des civils ? non. Il
n’y en avait presque plus. Des combattants armés ? dont certains peuvent
être anthropophages et prêts à mâcher le cœur et le foie de leurs
ennemis, en direct sur les écrans des télévisions ? Oui. Les combattants
furent défaits et plusieurs centaines, semble-t-il, ont trouvé la mort.
D’autres, blessés, furent convoyés vers les hôpitaux au Liban, après
que le politicien Joumblatt ait demandé un geste au Hezbollah pour qu’il
autorise leur transfert. Cela fut fait, et plusieurs de ces combattants
sont des Libanais. Parler de massacres signifie nécessairement qu’il
s’agit de civils, mais est-ce que ces combattants, qu’ils soient
syriens, tchetchènes, qataris ou autres, n’ont-ils pas choisi la voie
armée pour lutter contre la Syrie, son régime et son peuple ? Ne faut-il
pas plutôt dénoncer ceux qui les ont envoyés par des fatwas enflammés
(les sheikhs qui lancent l’anathème), les financeurs, les livreurs
d’armes, les supports politiques et médiatiques, avant de dénoncer le
Hezbollah, rendu à présent responsable de ces morts ? Le Hezbollah n’a
fait que se défendre, défendre sa présence et le maintien de sa force,
nécessaire pour affronter l’ennemi sioniste. Cette bataille ne fut pas
la sienne, dans le sens où il y a été entraîné. Mais il l’a menée avec
honneur, comme toutes les batailles qu’il mène. La propagande ennemie,
qu’elle soit diffusée par des Arabes, musulmans ou autres, n’y changera
rien. Le projet américano-sioniste pour la région ne passera pas, n’en
déplaise à tous les propagandistes de l’axe américano-sioniste !
Rim al-Khatib
10 juin 2013
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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