L’invalidation dimanche par la justice égyptienne du Sénat et de la
commission constituante représente un sérieux revers politique pour le
pouvoir du président islamiste Mohamed Morsi, qui estime toutefois que
cette décision aura peu d’effet dans la pratique.
L’arrêt de la Haute cour constitutionnelle (HCC) devrait enhardir
l’opposition à l’approche du premier anniversaire fin juin, de
l’élection de M. Morsi, pour lequel les appels à des manifestations de
masse se multiplient, soulignent des experts.
Une pétition contre le chef de l’Etat circule depuis quelques semaines
et revendique plusieurs millions de signatures, tandis que la grave
crise économique que traverse la pays pèse sur la popularité des Frères
musulmans, qui dominent le pouvoir.
Mais la présidence évite sauf nouveau coup de théâtre une démolition
pure et simple de l’architecture institutionnelle sur laquelle elle
s’appuie, fragilisée politiquement mais toujours en place.
"Tout le monde va trouver ce qu’il veut dans ce jugement", estime le
politologue Hassan Nafaa, professeur à l’Université du Caire.
L’opposition y voit un encouragement à poursuivre ses attaques contre
une volonté de mainmise des islamistes mais pour le gouvernement,
"concrètement les choses ne changent pas", ajoute-t-il.
Le journal indépendant al-Tahrir résume la situation créée par la Cour
constitutionnelle en titrant : "Tout est invalidé, et tout continue".
La Haute cour constitutionnelle a invalidé dimanche la loi ayant permis
l’élection début 2012 du Sénat, une instance dominée de manière
écrasante par les islamistes.
Doté de la totalité du pouvoir législatif après la dissolution il y a un
an de la chambre des députés sur ordre de la justice, le Sénat
constitue une carte maîtresse pour M. Morsi.
Mais la Cour constitutionnelle n’est pas allée jusqu’à exiger la
dissolution du Sénat, ni à le priver du droit de légiférer, permettant à
la présidence de clamer que cette institution "garde son rôle
législatif entier" en attendant l’élection d’un nouveau Parlement.
Le Sénat a actuellement devant lui plusieurs projets très critiqués par
l’opposition et la société civile, dont un sur les organisations
non-gouvernementales (ONG) et un autre sur la magistrature, qui provoque
depuis des mois la fronde de nombreux juges.
Même si techniquement le Sénat peut examiner et voter ces textes, la
décision de dimanche rend sa légitimité à le faire plus problématique.
Concernant la Constitution, l’opposition marque un point avec cet arrêt
qui invalide la composition de la commission chargée de rédiger la loi
fondamentale. Cette instance aujourd’hui disparue était dominée par les
islamistes, et pour cela boycottée par les adversaires de M. Morsi.
Mais la présidence fait valoir que la Constitution elle-même, clé de
voûte des institutions pour laquelle M. Morsi s’était battu bec et
ongles l’an dernier, reste en place dans la mesure où elle a été validée
par un référendum.
"Naturellement, la présidence et ses amis politiques ne sont pas
contents de la décision de dimanche", qui jette une ombre sur la
légitimité de deux piliers de leur pouvoir et sur leur engagement à
promouvoir la démocratie, estime Emad el-Din Hussein, un éditorialiste
du journal indépendant al-Chourouq.
Toutefois, M. Morsi et les Frères musulmans "obtiennent sur le terrain
ce qu’ils souhaitaient", à savoir le maintien en fonction des sénateurs
et de la loi fondamentale, ajoute-t-il.
L’opposition quant à elle "dispose désormais d’une carte forte en
enlevant leur légitimité politique" à la Constitution et aux
législateurs actuels, "ce qui ne peut qu’inquiéter ceux qui sont au
pouvoir", ajoute le commentateur.
(03-06-2013)
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